Sénégal, maintenir vivace la flamme de la résistance contre la domination néocoloniale
(partie 3)
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Les problèmes sociaux ne sauraient être résolus par aucune constitution, cette dernière n’étant que le reflet de la « constitution sociale ».

Elle est une sorte de transcription juridique des principes régissant les types de relations sociales et économiques que les forces dominantes d’une société donnée jugent nécessaires à la perpétuation des valeurs, principes et intérêts auxquels elles tiennent. Ces derniers préexistent à sa rédaction, et leurs transgressions sont sanctionnées même en l’absence de toutes règles écrites, elles sont pourrait-on dire, bien établis dans la « culture dominante.

Et partout où les règles constitutionnelles sont violées, ce qui est le cas, même dans les pays qui se proclament démocratiques, les auteurs savent qu’ils peuvent le faire en toute impunité ; les dispositions législatives n’ayant de force que lorsque l’on dispose du pouvoir de les faire respecter.

Qu’est ce qui pourrait donner force à un texte émanant des hommes, à part la crainte d’une sanction immédiate en cas de violation de ses règles et principes.

Les problèmes sociaux auxquels nous faisons face vont bien au-delà du simple respect de la constitution, laquelle qui en définitive n’est « qu’un bout de papier ».

Les droits qu’elle est censée préserver sont inconnus de la majorité de nos populations qui n’ont pas besoin de lire la constitution pour se rendre compte dans leur vie quotidienne, que leurs dirigeants ne respectent pas leur dignité.

La constitution en soi n’est pas sacrée, sauf pour ceux qui veulent faire de de l’état une nouvelle religion, c’est plutôt la personne humaine qui l’est. Cet Etat qui paradoxalement désacralise la vie humaine qu’il écrase sous sa toute-puissance, pendant qu’il s’aplatit devant les puissances d’argent.

Les différents systèmes politiques, qu’ils soient présidentiels ou parlementaires, là où ils sont en vigueur, reflètent la configuration des rapports de forces entre les groupes d’intérêts socio-économiques au niveau national. Dans certains pays, cette classe d’affaire, appelée à l’origine société civile, contrôle le parlement directement, dans d’autres cas, elle le fait indirectement à travers le lobbying, un terme qui désigne la corruption des parlementaires ou leur manipulation par des experts.

Les changements au sommet auront-ils le même effet dans un pays dont l’économie est dirigée de l’extérieur et tournée vers la satisfaction de besoins étrangers.

Permettront-ils un meilleur contrôle politique de la part de citoyens habitués à « subir » l’Etat, à tout attendre de lui, sans s’engager dans une dynamique organisationnelle leur permettant d’être en mesure de le rendre comptable devant eux ?

Ces mécanismes institutionnels devraient prendre racine dans la culture, la sociologie du peuple, car le choix des dirigeants, le respect des opinions contradictoires, de l’adversaire, la prise en charge des inégalités sociales sont des questions que se sont posées toutes les sociétés humaines depuis des millénaires et y ont répondu de différentes manières.

Dans cette perspective, limiter les pouvoirs du Président, c’est d’abord limiter les prétentions de ce dernier à se comporter non moins tel un monarque, maître de la destinée de son peuple. Cet hyper présidentialisme, legs colonial venant d’un pays où, par une ironie de l’histoire, l’Etat laïc a conservé le caractère absolu et totalitaire d’un pouvoir de droit divin dont il s’est débarrassé ; car tout comme ce dernier, il a tendance à investir l’ensemble de la vie sociale des individus.
Alors que dans beaucoup de nos royaumes traditionnels, les rois, comme le Brack du Walo, en pays Diola, sans avoir besoin de rédiger une charte à ce sujet, ne disposaient d’aucun pouvoir absolu de contrainte sur les hommes libres parmi leurs sujets. De nos jours, il suffit de donner à nos dirigeants les apparats du pouvoir, pour qu’ils bradent la dignité de leur peuple et soient même prêts à les contraindre à la servitude au nom de la « toute puissance de l’Etat ».

Ce sont les conditions permettant la production et la reproduction des relations oppressives, des inégalités et injustices qu’elles génèrent qu’il nous faudra changer fondamentalement.

Nous devons renouer, avec le respect de l’être humain dans toute sa dignité, c’est à dire commencer par retrouver le respect de nous-mêmes.


En tant que phénomène social, le rôle de l’Etat n’est pas donné une fois pour toute. Sa structure, ses missions et ses fonctions sont celles qu’à un moment donné des hommes dotés d’une forte volonté ont décidé de lui attribuer.

Nous pouvons constater que dans ce que nous appelons « notre république », tout, dans sa forme, ses symboles, ses rituels protocolaires, aussi bien dans ce qui fonde son pouvoir réel, nous est totalement étranger.

Ce face à face de nos dirigeants avec la dure « réalité du pouvoir », que nous évoquons avec une déconcertante légèreté, révèle non seulement l’absence de « pouvoir » de ces derniers, mais surtout le douloureux aveu de notre impuissance collective face aux forces étrangères qui contrôlent nos Etats et nos sociétés. Une réalité que nous semblons pourtant accepter avec une grande résignation et fatalisme.

Si justement nous savons qu’il ne suffit pas seulement d’un « bon leadership » pour faire face aux nombreux mécanismes mis en place pour garder le contrôle sur nos ressources, sortir de l’étau de la dette, échapper aux tentatives de déstabilisation des forces impérialistes, que faisons-nous en tant que peuple pour remédier à cet état de fait ?

Il ne s’agit pas de rejeter les cadres et mécanismes institutionnels tels qu’ils existent, mais de les investir de nos propres intentionnalités.

Sans une réappropriation de l’Etat, il sera très difficile de chercher notre libération au sein d’une institution qui a organisé notre asservissement.

En cherchant des solutions au sein du cadre institutionnel qui a organisé notre asservissement, nous ne faisons que trouver une bonne solution à un faux problème.

Tout développement véritablement endogène devrait reposer sur une « infrastructure » socio-culturelle qui n’a pas peur de redéfinir le rôle de l’Etat, et de défier l’Occident dans son interventionnisme politique, économique, intellectuel, social et culturel.


Dans cette perspective, nous devons poser de façon résolue, sans complaisance aucune, la question du contrôle des leviers importants de notre économie par une classe d’affaire étrangère, principalement occidentale et libano–syrienne, son impact sur la persistance des relations d’exploitation et des inégalités sociales depuis l’époque coloniale.

La persistance sur notre territoire de l’existence d’enclaves coloniales caractérisées par l’établissement dans une logique « communautariste », d’expatriés occidentaux, français, principalement, sur des terres illégalement acquises durant la colonisation, pour servir comme premières zones de colonisation agricoles.

Depuis, si certaines de ces terres ont été transférées à des investisseurs, d’autres ont été obtenues gratuitement ou presque, par des promoteurs auprès de certaines agences de l’Etat contre la promesse de donner de l’emploi aux jeunes de la localité, de la construction de forages, centres de formation agricole et autres projets.

Dans ces enclaves, les « expatriés » ne risquent pas de se sentir trop dépaysés, car ils pourront y parler leurs langues, ouvrir leur compte dans les filiales des banques de leurs pays et surtout disposent du privilège de pouvoir envoyer leurs enfants dans « le système scolaire français à l'étranger »  qui selon M. Richard Yung, rapporteur spécial auprès du sénat français, se maintient «  grâce à ces élèves étrangers qui n'ont pas de bourse et qui doivent s'acquitter de frais de scolarité majorés que le système se maintient. »1

Sur ce dernier sujet, laissons la parole à M. Richard Yung, rapporteur spécial auprès du sénat français : « Le système scolaire français à l'étranger connaît un succès qui ne se dément jamais. On enregistre une demande croissante de la part des familles françaises de plus en plus nombreuses à s'installer à l'étranger (20 % en plus cette année), mais aussi de la part des étrangers : sur les 350 000 élèves scolarisés dans les 500 établissements français, 200 000 ne sont pas Français. C'est grâce à ces élèves étrangers qui n'ont pas de bourse et qui doivent s'acquitter de frais de scolarité majorés que le système se maintient. »1

Voilà résumé en peu de mots, la confirmation du degré d’indigence d’une « élite » locale, dont la plus haute ambition se limite à ressembler aux « blancs », dans leur capacité de consommation, et non pas dans leur capacité d’influence, de production des idées, des biens et des services.

Elle préfère enrichir les autres communautés au lieu de lutter pour sauver l’éducation publique nationale, ou mener les combats pour permettre l’accès du plus grand nombre aux services publics de base.

A ces acteurs économiques, qui usurpent notre souveraineté, s’ajoutent les ONG qui ont maillé nos territoires et influencent nos politiques publiques et locales surtout avec la décentralisation.

Nous avons laissé perdurer un système dans lequel n’importe qui, peut, pour des raisons humanitaires, venir chez nous résoudre nos problèmes à notre place, s’occuper de problèmes relevant des prérogatives de l’Etat et des populations elles-mêmes qui sont ainsi dépossédées de tout sens de l’initiative collective.


Il ne s’agit pas de tomber aussi bas dans la stigmatisation de groupes sociaux ou dans des dérives xénophobes.

Loin de nous l’idée de réduire l’impérialisme à une simple question de couleur, mais force est de reconnaitre que son épicentre contemporain se trouve en Occident.

Tout empire repose sur des complicités internes, toutefois, les dirigeants et les milliardaires africains ne jouent aucun rôle déterminant au sein des multinationales encore moins dans les différentes instances de décisions de la « communauté internationale». Ils ne disposent d’aucun pouvoir de décision sur l’allocation des ressources, des emplois, du transfert de technologies ou de l’envoi des troupes armées contre des états indépendants.

Lorsque les intérêts d’un gouvernement élu, se confondent avec ceux des corporations privées, qui pour défendre leurs intérêts bénéficient de l’intervention des forces armées de leur pays. Il faut être hypocrite pour pointer du doigt la corruption des dirigeants vassaux, souvent forcés d’accepter sous la menace, des contrats léonins, au lieu d’interroger le caractère corrompu d’un système qui transforme des citoyens de sociétés dites démocratiques en receleurs conscients ou non, dont la position au sein de l’ordre impérialiste mondial permet de prendre une distance de sécurité avec la violence qui soutient l’empire.

 

Que la race, ou plutôt les hiérarchies sociales qu’elle permet de justifier ne soient pas scientifiquement fondées, ne l’empêche pas jouer un rôle important dans la distribution du pouvoir, dans les processus d’inclusion et d’exclusion.

Et d’ailleurs, les racines de l’oppression, de la colonisation, et de l’exploitation relèvent plus de pulsions passionnelles que de considérations scientifiques.

Il est venu le moment de poser la question de la domination néocoloniale avec courage, parce que nous ne pouvons-nous permettre de fermer les yeux sur les leçons de l’histoire et notre condition collective présente.

Nous ne pouvons pas persister  dans cette attitude de déni qui habite certains Africains, faisant écho à celle de certains Occidentaux qui veulent nous convaincre que la colonisation relèverait du passé. Ceux qui, dès que l’on émet des critiques sur la politique impérialiste de la France, dans un réflexe communautariste, deviennent la France, en pointant du doigt la responsabilité de nos dirigeants au lieu de se battre pour instaurer au sein de « leurs démocraties »  des états non impérialistes.

C’est dire toute la confusion qui anime cette catégorie qui confond cri de la victime et victimisation, sens de la responsabilité et culpabilité.

S’il existe des Africains qui versent dans la victimisation, c’est loin d’être le cas de ceux qui luttent véritablement contre l’impérialisme et la domination néocoloniale.

La victimisation est un mécanisme de défense, une posture d’évitement, de fuite de responsabilité, qui caractérise ceux qui n’ont pas assez de courage pour regarder la réalité en face, d’affronter leurs propres contradictions et incohérences et l’adversité. Il s’agit bien là d’une attitude totalement opposée de ceux qui osent dénoncer et appeler à combattre, des oppresseurs qui n’ont jamais hésité à assassiner et réprimer ceux qui s’opposent à leur sombres desseins. Ce sont justement ces derniers qui versent dans la victimisation.

Il est apparemment plus facile pour ceux qui combinent ignorance et manque de courage, de pointer un doigt accusateur vers les victimes, ceux dont on ne craint pas les représailles, que de s’attaquer aux « puissants oppresseurs » qui ne le sont que parce qu’on est à genoux devant eux.

La « victimisation » et la « théorie du complot » sont devenus les mécanismes de contrôle de la pensée pour discréditer tout discours critique portant sur les relations toxiques que l’Occident entretient avec le « Tiers Monde ». Selon cette logique, parce que nous sommes assez naïfs pour croire que la seule couleur de la peau pourrait justifier l’intelligence ou son absence.

Nous devrions continuer d’avaler les absurdités de « l’expertise occidentale » qui, se parant de l’autorité de la science, nous vend des éléments de langage creux, sans aucune substance.

Nous devons refuser cette tentative d’étouffer la libre expression de notre pensée.


Le combat contre les injustices à l’égard des Africains par les forces impérialistes coalisées ne saurait être compromis par les « liens historiques », ou les affinités individuelles que certains invoquent lorsque l’on parle de notre condition collective.

Nous devons définir des critères objectifs qui nous permettent de distinguer nos amis, nos ennemis et nos alliés ? Ne plus nous contenter de mielleuses déclarations, de superficielles postures qui flattent nos egos, et prendre en considération la cohérence et la pertinence des positions et les actes posés.

La condition des peuples ne saurait être considérée comme une commodité que l’on consomme, accepte ou rejette au grès de nos désirs, affinités personnelles ou autres.

Nous devons aller au-delà des superficielles considérations portant sur la création d’emplois ou les devises apportées dans notre pays, pour nous poser les questions fondamentales, si nous voulons sortir du statu quo.

Pourquoi devrions-nous dépendre des autres communautés pour nos opportunités d’emplois, lesquels à part quelques exceptions, maintiennent leurs bénéficiaires dans la précarité ?

Aurait-on oublié que l’esclavage créait aussi beaucoup d’emplois ?

Dans certains secteurs, la nature des emplois crées par ces « investisseurs » n’a pas beaucoup changé depuis : porteurs, pisteurs, aides ménagères et saltimbanques pour leurs divertissements.

Pourquoi les capitaux et les moyens de production proviennent toujours des mêmes communautés ?

Pour quelle raison notre ambition devrait-elle se limiter à obtenir des salaires et non pas à posséder les industries pourvoyeuses d’emplois ? Pendant que les autres communautés transmettent le « pouvoir » à leurs descendants, nous donnons aux nôtres la servitude en héritage.

Pourquoi devrions-nous dépendre du tourisme pour attirer des devises au lieu d’un dynamique commerce international de biens et produits manufacturés ?

L’accaparement à grande échelle de nos terres, entamé depuis la colonisation, continue de nos jours à travers les projets agricoles pour satisfaire les besoins alimentaires des pays européens, arabes et autres, et même par des ONG sous le prétexte de la préservation de la nature.

Des dizaines de milliers d’hectares sont alloués à des étrangers pour servir de campements de chasse3.

Presque partout sur le continent africain, des gardes armées, sous le prétexte de la préservation de la nature ou de la promotion de l’écotourisme, privent les populations locales d’accès à leur faune et flore. C’est à dire à leurs ressources, aux différentes sources d’alimentation, à l’eau, aux aires de pâturage pour leur bétail, lacs, rivières, fleuves, marigots, et parfois lieux d’activités culturelles ou cultuelles, pour le plaisir de touristes qui n’ont pas besoin de chasser pour se nourrir, et qui veulent jouir d’une pleine vue d’un beau paysage dégagé de toute perturbation de la part des populations autochtones, dont la présence n’est souhaitée qu’occasionnellement pour des « rencontres » figurants sur le programme.

Notre espace territorial sur lequel l’Etat est censé exercer sa souveraineté, et les populations se mouvoir en toute liberté, ne cesse de se rétrécir, en raison de la privatisation des plages, aires forestiers, etc.


Aujourd’hui la préservation de notre faune et flore et le changement climatique qui servent à justifier la prédation foncière, comme hier les «  terres vacantes » qui avaient servi à justifier le vol de nos terres.

Ce sont ceux qui pour la productivité et le profit ont maltraité humains comme animaux, pollué la terre, la mer et l’air que nous respirons, qui viennent nous apprendre à protéger l’environnement.

A-t-on suffisamment réfléchi à l’impact sur le patrimoine foncier, économique, social, culturel, écologique de ces enclaves sur la transformation de nos villages en résidences touristiques, de la spéculation immobilière sur les difficultés d’accès à la propriété, la pression sur l’environnement et surtout sur la nappe phréatique avec la prolifération des piscines dans des villas à proximité de la mer, alors que des populations alentours peinent à accéder à l’eau potable ?

Pense-t-on aux risques que cela peut constituer sur la sécurité nationale , que de donner autant de pouvoir à des étrangers qui disposent d’une extrême facilité d’accès à la propriété foncière, aux financements par les banques de leur pays d’origine ou leurs filiales au niveau local, et disposent de réseaux de distribution à l’international ?

Et en cas de besoin, ces résidents étrangers, incités par leur gouvernement à s’organiser à travers le programme des « ilotiers », pour non seulement se préparer à d’éventuelles crises, catastrophes naturelles, mais aussi à des représailles de la part de leurs hôtes du pays de la Teranga, et peuvent compter sur la protection de leur armée présente sur notre sol, à travers les « éléments français du Sénégal».

Peut-on imaginer la réaction des populations, si on appliquait la réciprocité de ces mesures dans leur pays d’origine ?

Nous devons aborder les questions nationales en véritables bâtisseurs de nation.

Il s’agit de comprendre comment par le contrôle du système bancaire et financier, de l’industrie, du commerce international, le transit maritime, le secteur touristique moderne, une classe d’affaire étrangère oriente notre politique économique et sociale, accroît notre dépendance, corrompt hommes politiques et personnel administratif et permet la reproduction de la pauvreté et des inégalités sociales.


Une classe d’affaire étrangère n’a pas grand intérêt à voir émerger une bourgeoisie nationaliste, d’investir dans la formation des jeunes de ce pays, de leur transmettre des compétences managériales et technologiques, de peur de ne subir leur concurrence.

La longue présence des entreprises étrangères notamment françaises n’a pas eu d’impact dans le transfert de technologies, sur les capacités organisationnelles, encore moins amélioré l’environnement des affaires, contrairement à ce qu’on peut observer dans les zones dites anglo-saxonnes.

Dans ce système le rôle de nos jeunes consiste essentiellement :

  • À gérer les « nouvelles plantations coloniales » que constituent les grands domaines agricoles et les zones économiques spéciales et incubateurs et hub technologiques.

  • Organiser les filières d’approvisionnement en matières premières des industries étrangères au niveau local et international, accompagner les entreprises et institutions étrangères,

  • Servir de représentants commerciaux des entreprises étrangères, distributeurs d’intrants, de semences, d’engrais, et de contrats d’assurances ; et le reste qui subit la précarité de l’emploi, avec la prévalence des contrats à durée déterminée CDD et des stages à durée indéterminée, retard volontaire dans le paiement des salaires entre autres.


Les grandes corporations nationales ou multinationales sont des entités politiques par excellence, par le contrôle des leviers de l’économie de notre pays, elles jouent un rôle politique de premier plan qu’il nous faut prendre en considération dans nos analyses.

Les entreprises ne se contentent pas de fournir du travail, elles organisent notre société en modelant et remodelant les relations et interactions sociales. Lorsque l’on décide du temps de travail et du salaire des individus, on décide des services et commodités auxquels les individus et leurs familles auront accès ou non, du temps que les parents passeront avec leurs familles, de l’environnement au sein duquel leurs enfants grandiront, s’ils seront exposés ou non à l’insécurité, à la pollution et aux risques de maladies chroniques, de notre bien-être physique et mental.

Nous devons reprendre le contrôle de nos économies, si nous nous ne voulons pas sacrifier nos chances de survie et celles des générations futures. De devenir de plus en plus des étrangers partout, même chez nous. Nous ne pouvons pas continuer de « dépendre » de la « charité business » imposée, qui profite plutôt à ceux qui nous ont assigné cette condition de domination et d’exploitation, qui vivent de ces simulacres d’assistance qui durent depuis des décennies.

Nous devons mettre définitivement fin aux liens coloniaux avec la France et ses alliés. A ceux qui évoquent les « liens historiques » avec la France pour empêcher toute remise en question de l’ordre néocolonial qu’elle nous impose, nous disons que si la proximité linguistique historique, culturelle n’a pas empêché le peuple français de 1789 de se débarrasser de leurs tyrans, qu’est ce qui pourrait nous empêcher, nous, peuples colonisés, de secouer le joug colonial dans ses fondations?

Nous ne semblons pas avoir la même indulgence envers nos frères africains, qui font l’objet de discours de la part de certains « nationalistes » sénégalais, qui poussent le mimétisme servile jusqu’à emprunter la même rhétorique raciste occidentale, avec les concepts « d’intégration », de contrôle des frontières, etc., reprochant aux ressortissants guinéens ce que bon nombre de nos compatriotes font à l’extérieur.

Aussi contrariants que puissent être leurs comportements, nous ne pouvons aborder la question de la présence des ressortissants africains dans notre pays sous le même angle ; non seulement pour des considérations « ethnico–raciales », mais surtout pour des raisons de stratégie politique.

Devrions nous, sous des prétextes sécuritaires, nous enfermer davantage dans les enclos coloniaux jusqu’à restreindre davantage notre liberté de circulation au sein d’un continent ou ceux disposant de passeports occidentaux se meuvent beaucoup plus librement que nous, ressortissants africains ?

Nous devons cesser d’embrasser cette idéologie subversive qui fait des Africains leurs propres ennemis et de ceux qui se comportent comme tels depuis des siècles, des partenaires.

Est-ce alors surprenant que nous ne parvenions pas à travailler ensemble pour mettre fin à domination dont nous faisons l’objet depuis des siècles ?

C’est cette stratégie de la division qui a monté les Sud-Africains contre leurs frères du continent, qui entretient le climat de suspicion réciproque entre Africains du continent et ceux d’Amérique et des Caraïbes, qui bien que partageant la même condition peinent à mener des combats collectifs s’inscrivant dans la durée.

La jeunesse sénégalaise et africaine devraient s’élever au-dessus de ces genres de  discours qui expriment au fond un profond sentiment d’impuissance face à notre condition collective, tout autant qu’une certaine paresse qui nous pousse à nous contenter de singer l’Occident dans ses pratiques les plus basses au lieu de  réfléchir à de nouvelles alternatives, reconstruire une nouvelle civilisation.

Pourquoi ne pas adresser l’absence de patriotisme ou tout simplement de tout sens moral de ces individus prêts à s’enrichir par des moyens illicites et qui sévissent dans tous les secteurs d’activités dans nos pays ?

L’amour de la patrie ne consiste pas en l’idolâtrie des frontières et du drapeau, d’autant plus que nos références socio-culturelles qui font notre fierté précèdent la pénétration coloniale.

Il ne consiste pas non plus à fustiger chez les autres des actes d’incivisme que l’on s’autorise sous le prétexte que l’on est né dans un pays ; à adopter la préférence nationale pour les exploiteurs et les criminels.

C’est se battre pour l’accès universel à l’état civil, à la sécurité pour tous, et non pas adopter la préférence nationale pour les exploiteurs et les criminels, de s’autoriser des actes d’incivisme et les déplorer lorsqu’il s’agit des autres.


C’est surtout se doter des capacités de penser la condition de son peuple, de son pays, afin de mieux servir les êtres humains qui vivent sur son sol.

La haine des étrangers, qu’ils soient occidentaux, Africains ou autres, ne saurait servir de fondement à aucun projet de développement d’une société ; qui devrait reposer sur la justice et le respect de la dignité humaine.

Refusons-nous l’oppression parce qu’elle est injuste ou parce qu’elle est le fait d’étrangers ?

Les pratiques oppressives disparaitraient-elles si tous les étrangers quittaient notre pays ?

Le combat contre l’oppression est un combat de principe, il s’agit de s’attaquer à l’oppression verticale constituée par les puissances impérialistes étrangères tout autant que celle horizontale qui relève des différents groupes et réseaux oppressifs au niveau national.

Nous ne pensons pas, contrairement aux allégations de certains membres de la classe politique, que le Panafricanisme soit incompatible avec certaines formes de nationalisme avec lequel il partage le projet d’auto détermination politique et économique, de défense de la souveraineté nationale, et son anti impérialisme.


Au sujet de la comptabilité panafricanisme et nationalisme, notre conception du combat pour la libération nationale consiste à avoir l’audace d’affronter le monde, d’engager la confrontation si nécessaire, de poser les questions brulantes au niveau national pour construire une solidarité internationale sincère et féconde. De projeter sur le Sénégal physique qui est une création coloniale la volonté d’hommes libres décidés à faire de ce territoire un lieu d’expérimentation d’une société solidaire, libérée de toute forme d’exploitation de l’homme par son prochain, du racisme et de la déshumanisation. Une société libre et prospère qui sera pour les ressortissants aussi bien Européens, Africains et ceux du monde entier une véritable terre d’accueil.

Il ne saurait y avoir aucune libération dans l’ignorance.

Sans une réflexion profonde sur les facteurs déterminants de notre condition collective, nous risquons de nous enfermer dans un nationalisme qui ne saurait nous conduire qu’à une impasse. Un nationalisme qui nous rend aveugle aux défis liés au contexte global qui affecte notre situation au niveau national, aux réseaux oppressifs locaux, qui dans une large mesure, favorisent la domination étrangère, ne fait que servir cette dernière en fin de compte.

Nous ne pouvons pas nous libérer des chaînes de l’oppression sans procéder à un retour critique sur nous-mêmes et notre société, sans réfléchir sur les raisons de nos défaillances individuelles et institutionnelles, notre absence d’unité interne autour d’objectifs et principes collectifs.

Si nous sommes d’accord pour poser sans tabous, les impacts sur notre société de la présence étrangère, ce doit être dans le but de renforcer notre résilience nationale, afin de mieux résister à la coalition impérialiste mondiale, résistance qui ne saurait se faire sans la Solidarité Panafricaine.


Note

1 Rapport d'information n°127 (2015-2016) de MM. Éric DOLIGÉ et Richard YUNG, fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 octobre 2015

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Dernière publication : 24/12/2024