Fin de procédure et déni de racisme


Après plus d’une année de procédure pour information préoccupante, éprouvante intellectuellement et émotionnellement pour notre famille et particulièrement pesante pour nos enfants, nous avons reçu un courrier de la cour d’appel daté du 14 septembre 2018, ordonnant « le classement de la procédure » ; qui dit que la mesure d’investigation a permis d’évaluer que « les mineurs ne montrent pas de signe de souffrance », que « le service ne sollicite pas de mesure d’assistance éducative en raison de l’investissement des parents et de leur aptitude à faire face à leurs besoins ».

Ce serait trop beau si cela pouvait se terminer sur ces notes positives, car plus loin dans ce courrier nous pouvons lire : « Cependant, ils encouragent Monsieur et Madame Diop à ne pas projeter sur leurs enfants une interprétation systématiquement négative des intentions d’autrui et, par là même, une mauvaise perception de l’extérieur, laquelle n’est pas nécessairement fondée sur des préjugés à leur encontre » et me conseille de travailler sur mon « incapacité à aller vers l’autre », en raison de ma « tendance à projeter des intentions négatives sur les autres ».

Cet encouragement, provenant de personnes qui ne me connaissent point, est une affirmation gratuite sans aucun fondement empirique. La preuve en est que, lorsque j’ai demandé au chef de l’équipe comment ils sont arrivés à cette conclusion, ce sont des têtes baissées et des sourires gênés qui ont accueillis cette question et ont préféré laissé le psychologue répondre.

C’est là, le résumé de l’état d’esprit qui habite toute la procédure depuis le début : des affirmations péremptoires, parce que l’on peut se le permettre sans souci de cohérence, ni besoin de s’en tenir à des faits.


Cette façon de soumettre les faits non pas à la vérité, ou à la loi, mais à l’arbitraire de l’autorité ne traduit-il pas un rapport assez particulier avec l’autorité ? Comme si certains avaient un statut inférieur devant la Loi.

Le déroulement de la procédure, ainsi qu’une lecture attentive du rapport, montre que les conditions de formuler une proposition de mesure d’assistance éducative n’ont été réunis ni dans le fond ni dans la forme. Le rapport ne fait que rechercher dans la longue liste des signaux d’alerte de maltraitance, les éléments qui permettraient de charger notre famille, au lieu de chercher dans les faits, les éléments qui pourraient relever de la maltraitance. Il ne montre à aucun moment le lien existant entre les principes et objectifs généraux du législateur avec les faits réels constatés dans notre expérience familiale.

Les propos racistes et diffamatoires de la responsable « Enfance Famille » du service vie sociale du CDAS : « les ressortissants des Dom-Tom ont souvent tendance à nier les actes de maltraitance », « la loi sur leur territoire est plus clémente, ce qui n’est pas le cas quand ils sont ici » ; révèlent l’état d’esprit avec laquelle une situation aussi complexe est abordée ; à savoir un état d’esprit plus enclin aux préjugés et stéréotypes qu’à la rigueur intellectuelle à laquelle on serait en droit de s’attendre de la part des autorités en charge de questions aussi délicates.

L’équipe du CDAS a eu une curieuse façon de montrer que sa mission lui tenait à cœur, en dressant le profil de la personnalité des parents et des enfants avec si peu d’échanges. Etait-elle en mesure de nous en faire une proposition, après un rapport rédigé suite à un entretien de contact et l’audition des enfants, lors de l’entretien d’évaluation ? Comment cette équipe a-t-elle pu décrire l’organisation de la vie familiale sans avoir interrogé une seule fois les parents à ce sujet ? 

Une équipe qui a poussé l’incohérence jusqu’à utiliser comme prétexte des congés, afin de justifier l’absence de visite à domicile. Cela n’exprime-t-il pas l’importance qu’elle accorde au décret qui précise les modalités d’application de la loi qui définit leur mission ? Comment est-ce que les congés pourraient rendre « inopérante » une procédure qui s’impose à nous en vertu de la loi ?

La légèreté avec laquelle les propos diffamatoires sont abordés, semble exprimer le manque de considération de notre expérience de la procédure, ainsi que la banalisation de la diffamation raciste à l’égard de certaines catégories de la population en France. Elle relève de cette logique de déni permanent, qui exprime tout le mépris envers les populations dont on persiste à ignorer les expériences.
 
Le déni du racisme est l’expression même de l’ancrage du racisme institutionnel.
Le déni du racisme qui joue un rôle important dans sa perpétuation, prend plusieurs formes telles que le montrent les travaux de Teun Van Dijk[1], et se traduisent dans les exemples cités, suivant un schéma quasi régulier, qui semble traduire leur profond ancrage culturel et systématique.
 
Une des principales formes de déni dans les conversations quotidiennes est le déni de discrimination, voici certaines des façons dont les habitants d'Amsterdam formulent leurs dénégations ; ce qui ne veut pas dire  comme le précise l’auteur que toutes les conversations sur les étrangers ont un caractère négatif mais insiste sur les différences.

  • « Nous n’avons rien contre les noirs »,
  • La concession apparente : « Certains d’entre eux sont intelligents, mais en général… »,
  • L’empathie apparente : « Bien sûr que les réfugiés ont des problèmes mais… »,
  • L’ignorance :  « Je ne sais pas mais… »,
  • Excuses apparente : « Désolé mais… »,
  • Le renversement de situation, blâmer la victime : « Ce ne sont pas eux mais nous les réels  victimes »,
  • Le Transfert : « Moi cela ne me gêne pas mais mes clients… ».

 
En d'autres termes, nous avons maintenant les types de déni suivants :

  • Négation des faits : « Untel n'a pas fait / dit cela du tout » ;
  • Refus de toute responsabilité : « Une telle n'a pas fait / dit cela exprès », « C'était un accident » ;
  • Déni de toute intention malveillante : « Ne signifiait pas que », « Vous m'avez mal compris » ;
  • Refus du but ou objectif de nuire : « Je n'ai pas fait / dit cela, pour... ».

Selon Van Dijk « Ces formes de déni, faites d’atténuations et d’hypocrites euphémismes, contribuent à faire qu’il y a peu de poursuites pour discriminations, diffamations et insultes racistes. Elles aboutissent à la présentation positive de soi allant jusqu’à l’autoglorification nationaliste, plus présente dans les discours politiques, principalement parlementaires ».
 
 
Il donne quelques exemples tirés des archives parlementaires des pays respectifs et des débats tenus entre 1985 et 1990.

« Notre débat d’aujourd’hui concerne non seulement les réfugiés, mais toute notre société, ainsi que la responsabilité de l’Europe et des Pays-Bas de maintenir les droits fondamentaux de l’homme dans le monde. Le droit d'asile est la composante nationale d'une politique cohérente des droits de l'homme ». (Les Pays-Bas).

 
Même si ces « droits de l’homme », sont bafoués dans des guerres que ces pays mènent loin de leurs frontières, sous des prétextes humanitaires, guerres qui bien souvent ne sont ni remises en question par leurs citoyens dans leur grande majorité, ni contesté avec la même ardeur que certains expriment devant l’afflux massif d’immigrés dans leur pays.

 « Je crois que nous sommes un pays merveilleusement juste. Nous respectons les règles contrairement à certains gouvernements étrangers » (Royaume-Uni) ;

 « Notre pays a longtemps été ouvert aux étrangers, une tradition d'hospitalité qui remonte, au-delà de la Révolution, à l'Ancien Régime » (France) » ;

 « La France, qui a montré au monde la voie de la démocratie et des droits de l'homme, la France terre d'accueil et d'asile, présente sur les cinq continents, n'a pas cédé à la haine raciale » (France) ;

 « Je ne connais aucun autre pays sur cette terre qui accorde plus d'importance aux droits des résidents étrangers que ce projet de loi dans notre pays » (Allemagne) ;

 « C'est un pays dont les valeurs et les traditions enthousiasment le monde, comme nous le savons tous. Je pense que nous sommes tous très fiers des opinions américaines, des idéaux américains, du gouvernement américain, des principes américains, qui excitent des centaines de millions de personnes dans le monde qui lutte pour la liberté » (USA) ;

 « Il y a tellement de choses formidables dans notre pays, toutes les libertés que nous avons, parole, religion, le droit de voter et de choisir nos dirigeants et, bien sûr, notre grandeur réside dans notre mobilité, la capacité de chacun d'entre nous, indépendamment des circonstances de notre naissance, de s'élever dans la société américaine, de poursuivre nos rêves individuels » (USA).

 
Van Dijk poursuit :
 
« Bien que la rhétorique nationaliste puisse différer selon les pays (elle est généralement plus exubérante en France et aux États-Unis, par exemple), la stratégie de base de la présentation de soi positive apparaît dans toutes les Chambres.
Nous sommes justes, respectons les droits de l'homme, avons une longue tradition de tolérance, etc…
 ».

Il n’est pas rare d’entendre dans chaque parlement, du moins certains représentants, penser à leur propre pays comme le plus libéral, épris de liberté, démocratique, etc.., dans le monde.
 
Ces stratégies de déni peuvent être rapportées à notre expérience personnelle.
 
On m’a même dit que si j’ai autant de reproches envers ces personnes différentes, c’est parce que le problème doit venir de moi. C’est là un raisonnement des plus simplistes.

D’être « Hypersensible », à l’injustice, oui, comme eux le sont face à l’évocation du racisme dans la société.

N’est-ce pas le « communautarisme » qui pousse des personnes que l’on n’a point accusé personnellement d’être raciste, de se sentir obligés de défendre les inconnus qui l’ont été ; lorsqu’il s’agit de personnes qu’ils connaissent,  elles sont « bienveillantes ». Peuvent-ils jurer qu’elles le sont toujours et avec tout le monde ? Nous ne classons pas les individus dans des catégories morales figées, nous décrivons la nature et le caractère de nos interactions ponctuelles avec eux.

Le déni du racisme, la volonté de défendre son groupe d’appartenance pousse au comportement les plus ridicules, jusqu’à être aveugle aux injustices causées.


En répondant à l’une des questions du psychologue[2] avez-vous eu peur par la suite de perdre mes enfants », après avoir évoqué un souci de santé d’un de nos enfants, je lui ai répondu : « Oui, comme tout parent ». Il m’a rétorqué « Non, parce qu’ici, le taux de mortalité infantile n’est pas très élevé ». Je lui ai dit que les enfants mourraient aussi « ici » pour plusieurs raisons : accidents, enlèvements, meurtres et autres, et souffraient de maladies incapacitantes, dont certaines étaient mêmes inconnues sous d’autres cieux. D’ailleurs, tout individu, même s’il n’est pas parent, éprouve la peur de perdre ceux qu’ils aiment.

Plus tard, devant les propos rapportés par une de mes filles, « les Africains, ne sont pas intelligents, mais toi tu n’es pas pareille  », il m’a répondu que « c’était rassurant » parce que dit-il, il trouvait que ce récit montrait un enfant qui « prend du recul » loin des préjugés de ses parents, que cela pourrait « aider ma fille à dépasser le racisme ». D’abord, je doute fort qu’un psychologue puisse tenir ce même commentaire si ces propos concernaient les femmes, les juifs ou les homosexuels. Ensuite, ce raisonnement est d’une faiblesse un peu inquiétante venant d’un universitaire, parce que prêter à un enfant de six ans, la capacité, de « prendre du recul par rapport aux préjugés » me parait assez peu honnête. En plus, l’interprétation de la phrase nous semble incorrecte, car l’analyse de la phrase montre que loin de s’affranchir des préjugées, cette fillette les confirme en faisant de ma fille une exception ; car elle ne dit pas que les Africains ne sont pas intelligents. Cela semble assez inquiétant pour quelqu’un qui est censé analyser le profil psychologique d’individus avec des personnalités plus complexes.

Ce psychologue a préféré, même au mépris de tout bon sens, remettre en cause mes qualités de père que de reconnaître les agissements méprisants d’une enseignante quand je suis allé chercher mon fils à l’école, « elle a peut-être pensé que vous n’étiez pas un bon père »... à croire que mon « incompétence parentale » serait plus visible que mes origines. Il n’était pas présent lors de cette interaction, comme tous ceux qui réagissent comme si c’était eux que l’on accusait personnellement, pourtant il a « systématiquement » nié toute condescendance de la part d’inconnus à mon endroit et m’a accusé de projeter de mauvaises intentions sur ces personnes avec lesquels il partage la couleur de la peau.

 
En une heure d’entretien, il ne s’est pas gêné pour m’interpeller sur un ton peu respectueux, de m’interrompre pour balancer des commentaires des plus surprenants, s’emportait, se lançait dans de longues récitations de lieux communs, et m’a rétorqué, pour finir, que j’avais tendance à tout voir sous le prisme racial. Ce qui dénote d’une suffisance évidente, car c’est bien condescendant que de s’arroger le droit de définir la réalité d’un individu, surtout lorsque l’on est incapable de prendre conscience de ses propres incohérences. Sous quel prisme lit-il la réalité lui qui relie mes craintes, à mes origines, à la lumière de statistiques comparant les gens d’ici et d’ailleurs ?


N’est-ce pas lui qui a commencé à me distinguer du reste de l’Humanité, quand j’ai osé dire « comme tout parent », en me renvoyant rapidement à mes origines, en tant que ressortissant de pays ou le taux de mortalité élevé modèle les peurs des parents différemment qu’ici ?

Comment, en tant que psychologue, n’a-t-il pas pu se rendre compte de ses propres mouvements ainsi que de l’implication de ses commentaires d’ailleurs, sans aucun rapport avec la question posée ? Car, il ne peut invoquer aucune étude, en Occident encore moins en Afrique, qui pourrait montrer l’influence des statistiques sur nos émotions et perceptions den la réalité.

Un psychologue censé partir du point de vue du sujet lui-même, ne devrait-il pas respecter mon expérience au lieu de la disqualifier, en m’accusant de tout voir sous le prisme racial ? Il avait tout le temps de faire ses observations dans son rapport final, il a transformé un entretien en confrontation.

Mais ce qui est le plus surprenant, pour quelqu’un chargé de chercher les éléments qui compromettent le développement des enfants, c’est qu’il disqualifie dans le même élan les expériences des enfants. Je n’ai relaté ces événements ci-dessus mentionnés que par rapport à leur vécu. Aurait-on oublié que la maltraitance des enfants peut intervenir aussi bien dans l’univers familial de l’enfant que dans son entourage social plus large (école, quartier…) ? N’est-il pas dans ce sens, inquiétant, quand des adultes censés écouter, comprendre les enfants et leurs besoins, avertir les autorités compétentes, banalisent eux-mêmes les actes racistes au sein des établissements scolaires ou lieux d’activités récréatives ? Le lieu de lutte contre le racisme est le principal lieu de production des préjugés racistes.

Persister dans ce déni, c’est nier le vécu de ces enfants, agressés physiquement dans les lieux de socialisation, comme l’école, dans les vestiaires des clubs de sport ; c’est faire peu cas du sentiment d’injustice de la part d’adultes, qui nient de façon récurrente leur douleur, ignorent leurs questionnements. Nier la « racialisation » des relations sociales, c’est faire preuve d’une cécité intellectuelle ou être délibérément au service d’un système oppressif, en faisant le choix de demeurer aveugle aux dommages qu’il entraine auprès des couches les plus vulnérables, à savoir les enfants. C’est continuer de fermer les yeux sur le fait que de nombreux enfants issus de certains groupes sociaux, voient les différentes portes « d’entrée dans la relation sociale » marqués du sceau de l’exclusion, du rejet, de l’agression, de la constante stigmatisation, et qui participent grandement à l’inoculation du complexe d’infériorité ?


Ce déni de la souffrance des enfants, qui se plaignent d’être victimes de racisme, ne permettrait-il pas d’ignorer cette autre catégorie d’enfants, qui font montre de violences aussi bien physiques que verbales envers leurs camarades. Cela ne constitue-t-il pas des signes de dysfonctionnements, de violences au sein de leurs familles ? Ou bien est-ce la norme que leur manque de respect et d’empathie envers ceux qui ne leur ressemblent pas soit toléré voire même encouragé par l’impunité ? 


Cette procédure a montré que le déni est une des nombreuses stratégies qui participent à la perpétuation du racisme, et que l’on attaque de façon systématique toute victime qui dénonce ce système en l’accusant lui-même de racisme. Car en voyant en moi « quelqu’un qui a tendance à voir « tout sous le prisme racial », le psychologue de l’équipe n’est pas loin de faire de moi le véritable raciste.

Les attitudes, les propos racistes et diffamatoires, les commentaires déplacés, les agressions subies par mes enfants seraient en quelque sorte, de ma faute.

On peut m’accuser sans fondement, me calomnier sans honte, me diffamer d’une très petite manière et s’en sortir en me donnant des conseils, même m’accuser d’être raciste et me conseiller de travailler sur mon incapacité à aller vers l’autre et veiller à ce que mon « combat d’adulte » n’influence pas mes enfants ; comme si ce sont des enfants qui ont mis en place le dispositif de protection de l’enfance. Les conseils qui concluent cette affaire, rejoignent les propos de l’une des assistantes sociales du CDAS, qui m’interrogeait sur l’impact qu’aurait mon engagement politique sur mes enfants.

C’est à croire qu’ils sont incapables de faire la différence entre des parents racontant les expériences vécues par leurs enfants à d’autres adultes et des parents incitant leurs enfants à se méfier des autres

Les « autres », eux, ils sont absolument « neutres », et peuvent éduquer leurs enfants comme ils le souhaitent, leur transmettre le mépris de ceux qui ne leur ressemblent pas et, peuvent même les faire manger assis par terre lors des pique-niques sans que cela ne choque personne.

 
J’ai compris que « ce problème à aller vers les autres », c’est de dénoncer un racisme qui  « n’existe pas », ou du moins, qui se trouverait uniquement dans ma tête, ce qui revient à dire que le mal se trouve forcément en moi. « Et il faut surtout faire attention à ce que cela n’influence pas les enfants négativement, en les poussant à penser que personne ne les aime ». C’est encore là un raisonnement d’une surprenante simplicité.

Si les masses peuvent être tenues dans la confusion par les définitions trompeuses, des concepts relayés par les medias, un professionnel est censé connaître la différence entre les victimes qui dénoncent des faits et ceux qui versent dans la victimisation, c’est à dire ceux qui nient des faits pour ne pas assumer leurs responsabilités. Il ne faut pas être un versé dans l’histoire pour reconnaître le profil de ceux qui ont intérêt à verser dans la victimisation. Ces types de discours ont fait leur temps et ne convainquent que ceux qui sont disposés à les croire.

Il y a surtout là un véritable problème de compréhension du racisme.

Ceux qui sont victimes du racisme ne cherchent pas à se faire « aimer des autres », mais à se faire respecter d’eux, et plus encore, à ne pas souffrir de leurs abus, violences et autres exactions du seul fait de leur apparence.

 
Oui, je reconnais pouvoir voir le racisme, surtout là où il se cache le mieux, c'est-à-dire sous le déni et l’indifférence à la couleur de la peau.

Nous avons eu à faire l’expérience d’une attitude qui est loin de l’idée que l’on peut se faire d’une personne censée chercher la véracité des faits, avant de se faire une opinion et de prendre une décision.

Cette conception étroite de la mission des autorités, fait que certains d’entre eux se perçoivent comme étant supérieur aux autres, tout en partageant les préjugés des « gens ordinaires », tout comme leurs défauts.

C’est une façon particulière d’exercer l’autorité en versant dans un autoritarisme, qui discrédite toute institution d’autant plus que celles-ci sont faites pour échapper aux caprices, humeurs et standards des individus et afin de faire respecter le droit et la justice.


Cette attitude soulève la question de modalité de l’exercice de l’autorité. Respecter la dignité des justiciables ou des différents solliciteurs des services administratifs et institutions de l’état, diminue-t-il l’autorité des agents à la tête des institutions ? Résoudre une affaire quelle qu’elle soit peut se faire dans le respect des règles élémentaires de politesse.

N’est-ce pas incohérent de reprocher aux parents d’agir d’une manière que l’on juge inappropriée et humiliante envers leurs enfants et s’autoriser d’agir de même à leur égard. 


Nous sommes convaincus que la première condition pour établir des rapports sereins est le respect de la loi, de la dignité des personnes et des règles de politesse les plus élémentaires. Un minimum de bon sens permet de concevoir que l’on ne peut pas se permettre d’outrepasser les limites ci-dessus évoquées et décider du ton et de la manière dont les autres vont réagir à ces manquements.

Ce qui est assez surprenant, c’est cette incapacité feinte ou réelle de ne pas se rendre compte de leurs propres incohérences.

C’est incohérent de voire même irresponsable de déclencher une procédure dans laquelle on est tellement préoccupée de susciter la peur des parents qu’on en oublie celle que peuvent éprouver les enfants à l’idée d’être séparés de leurs parents.

Ces incohérences doivent-elles nous surprendre quand nous voyons par exemple, la police chargée de maintenir l’ordre, utilisée des méthodes qui causent des émeutes dont les conséquences affectent des personnes qui n’étaient pas impliquées dans l’interaction initiale.

Du haut de leur faux sentiment de supériorité, ils se permettent de catégoriser les personnes, procéder à des attaques personnelles, rappeler les nobles principes que personne ne peut rejeter. Autant d’artifices qui leur permettent de cacher leur incompétence devant l’épineuse question de la traduction des beaux objectifs dans la réalité.

Ceux qui ne vont jamais se poser la question de savoir comment est-ce qu’on a pu établir des statistiques sur le taux de mortalité infantile dans des pays où la majorité des naissances aussi bien que des décès ne sont pas enregistrés ?

Et si le taux de mortalité est si élevé dans ces régions, qu’elles pourraient en être les causes ?

Un esprit critique se poserait la question, sur le rôle que pourraient jouer l’exploitation, le maintien des dictatures, l’instrumentalisation de « conflits tribaux », les ajustements structurels imposées par les institutions monétaires, les longues années de guerres par procuration telle que celui du Biafra, dans la prévalence de la mortalité élevée chez les pays colonisés des millions de femmes et d’enfants.

L’esprit critique est ce qui fait cruellement défaut à un système qui refuse de se remettre en question. Ce serait même assez gênant d’évoquer toutes les incohérences et manquements que nous avons observé durant cette expérience.

Durant cette procédure, notre préoccupation principale ne s’est jamais portée sur la décision d’un juge, dont la décision est basée sur le rapport du CDAS qu’il n’a pas jugé nécessaire de discuter. Le juge est une personne faillible. Si elle a le pouvoir de rendre sa décision selon ses propres convictions, elle ne dispose pas du pouvoir de faire de nous des parents modèles ou des parents irresponsables ou abusifs si nous ne le sommes pas.

Ce qui nous préoccupe, c’est le processus par lequel sont prises des décisions qui peuvent avoir d’importantes répercussions dans la vie des individus.

Toutefois, ces incidents ne nous ferons pas perdre cette « naïveté » qui nous pousse à attendre des représentants de l’autorité publique, qu’ils soient de façon impartiale, au service du droit, d’une justice équitable; de savoir si nécessaire, reconnaître et redresser les torts commis ; de recourir à des arguments convaincants et des démonstrations claires en lieu et place d’affirmations gratuites, d’attaques personnelles mettant en cause notre probité morale et notre lucidité, parce que cela est à la portée de n’importe qui.


Notes

[1] Discourse and the Denial of Racism, Teun A. van Dijk, 1992

[2] Psychologue de la procédure du MIJE, même si nous avons, dans l’ensemble, « apprécié » l’esprit dans lequel elle s’est déroulement. Car, comparée à « l’investigation » du CDAS, nous avons été entendus plus longuement, avons eu le temps d’expliquer un peu nos pratiques éducatives et donner nos avis sur certaines question

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Dernière publication : 16/04/2024