Appel à un sursaut citoyen
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Cher(e)s frères et sœurs sénégalais(es),

Nous adressons cette lettre aux différents acteurs politiques, activistes et citoyens, à propos de la délicate et inquiétante situation qui prévaut dans notre pays.

Avant le début de la pandémie et du confinement qui s‘en est suivi, nous avions perçu, comme beaucoup d’entre nous, des signes alarmants qui nous ont poussé à écrire la « Lettre au peuple sénégalais ».

Le but de cette lettre était de susciter une réflexion collective sur notre condition, non seulement en tant que Sénégalais mais de façon globale, en tant qu’Africain, et par la même occasion faire le bilan de nos « indépendances ».

Nous voulions surtout attirer l’attention sur les différentes formes de violences et abus de pouvoir dont sont victimes les populations, que ce soit entre les gouvernants et les gouvernés, autorités policières, judiciaires, administratives ou entre concitoyens eux-mêmes. Notre objectif était de chercher les moyens de réinstaurer un véritable dialogue national loin des préoccupations purement « politiciennes ».

Malheureusement, la crise sanitaire nous a empêchés de poursuivre ce projet.


Nous sommes convaincus que dans une véritable démocratie, les serviteurs du peuple ont le devoir d’élargir le champ de la participation citoyenne dans les différents espaces décisionnels. Les citoyens ont le droit et même le devoir de participer, librement et pleinement, à la vie de la communauté politique à laquelle ils appartiennent ; En faisant en sorte que de par leur éducation et leur capacités organisationnelles à ce que les détenteurs de la puissance publique soient comptables devant eux.

Cet engagement social, expression ultime de notre liberté, de notre empathie et de notre humanité, s’oppose fondamentalement à la soumission, à l’injustice, au fatalisme, à l’égoïsme, à l’individualisme et à l’ignorance.

C’est mus par la ferme conviction que tout individu a droit de vivre paisiblement au sein de sa société et dans un environnement sain, que la préservation de la paix autant que de notre environnement incombe à l’État, aux collectivités locales et aux citoyens, que nous venons vous faire part, de certaines préoccupations que nous pensons être commune à l’ensemble des résidents des villes et régions du Sénégal.

Ces préoccupations concernent des aspects pratiques et comportements de la vie quotidienne, qui à notre humble avis mettent sérieusement à mal la quiétude, le bien-être de l’ensemble des populations, et ne permettent pas de créer les conditions du progrès social, économique, spirituel d’une société et d’élever notre Humanité.

Parmi ces pratiques, celles qui nous semblent être les plus préoccupantes sont :
L’extrême lenteur des procédures administratives à l’ère numérique, la dégradation croissante de la qualité des rapports sociaux, la rupture du lien communautaire et de tout sentiment patriotique qui se caractérise, par l’absence de respect mutuel, des règles élémentaires de savoir-vivre et de la vie humaine. Tous les comportements ci–dessous évoqués manifestent d’une certaine manière ce phénomène.

Ces comportements s’expriment de plusieurs façons parmi lesquelles : la violence verbale ou physique, le manque de respect du bien d’autrui, du bien commun et de la vie privée des individus. Ils sont manifestes dans le caractère peu serviable des interactions sociales entre citoyens au sein des différents services, ainsi que les différents abus de pouvoir entre autorités administratives, policières ou autres et les citoyens. Ils concernent aussi, la délinquance financière, les vols, l’escroquerie, la corruption, les gaspillages ostentatoires, le manque de respect du client, qui est loin d’être traité comme un « roi » sous nos cieux.

Cette « mentalité » prévaut également dans les différents services administratifs, établissements scolaires, centres médicaux entre autres, où certains prestataires semblent penser que les citoyens leurs sont redevables des « faveurs qu’ils leur fournissent ». Il est aisé de constater que dans les différents services et administrations, du vigile au fonctionnaire le plus haut placé, chacun peut se permettre d’interpeller les visiteurs de la manière qui lui sied, et souvent sur un ton des plus discourtois.

A cette longue liste, s’ajoute le non-respect de la ponctualité au travail et des rendez-vous, ainsi que le non-respect de l’ordre d’arrivée pour l’accès aux différents services. L’absence de ponctualité, a peu à voir avec notre rapport culturel au temps, mais plutôt à notre perte de repères culturels. C’est non seulement un signe de manque de respect d’autrui, mais de soi, car c’est donner peu de valeur, de crédibilité à sa parole, surtout dans une culture où celle-ci « liait » beaucoup plus que l’écrit.


Le non-respect de l’ordre d’arrivée est encouragé par l’attitude complaisante des agents des services publics ou privés qui sont peu enclins à gérer les flux de façon stricte et organisée, alors qu’il suffit seulement de prendre l’initiative de faire respecter la règle du primo arrivant en ne servant pas le dernier en premier. Nous vivons dans un pays ou malheureusement les comportements inciviques sont récompensés, les bonnes manières négativement sanctionnés. C’est ce qui exprime l’état de confusion mentale dans laquelle nous nous trouvons.

L’insécurité généralisée surtout au niveau de la circulation routière : l’absence de feux de signalisation, de code de bonne conduite des automobilistes et motards qui menacent gravement la vie des adultes et principalement des enfants devant traverser des artères dangereuses, pour se rendre l’école, à l’aller comme au retour.

Le libre accès aux armes blanches par tout public, même aux mineurs, constitue une grave menace pour la sécurité publique.

La pollution engendrée par les véhicules, la prolifération des dépôts d’ordures ménagers et autres qui constituent une menace pour la santé publique, surtout dans nos pays où l’accès aux soins médicaux de base est loin d’être assuré, devrait être la priorité en matière de prévention sanitaire.

A la pollution de l’air s’ajoute celle sonore qui aussi constitue une menace pour la santé des populations. Elle est due aux nombreux ateliers dans les quartiers mais aussi à l’utilisation excessive du volume sonore du matériel de sonorisation de certains groupes dans le cadre de leurs campagnes de promotion, des opérateurs de téléphonie mobile aux vendeurs ambulants, auxquels viennent s’ajouter l’utilisation abusive des klaxons par les automobilistes, des motards, les nuisances sonores en raison des activités culturelles, les veillées religieuses nocturnes se déroulant les jours de la semaine où parents et élèves doivent se rendre au travail et/ou à l’école.

Les installations industrielles ou commerciales telles pouvant présenter de graves dangers ou inconvénients pour la santé, la sécurité, la salubrité publique, ou pour la quiétude du voisinage, tels que les postes de haute tension, relais ou antennes réseau, etc.

La persistance des punitions corporelles dans les établissements scolaires et les daaras, de même que la révision des horaires souvent très contraignants, imposés aux enfants et aux parents.

La destruction de l’école publique, les difficiles conditions dans lesquelles travaillent élèves comme enseignants, le non-respect de la gratuité du service public. De la nécessité de revoir les rythmes scolaires très contraignants, imposés aux enfants, aux enseignants et aux parents.

La négligence des enfants et des jeunes mineurs à travers le triste phénomène des enfants errant dans les rues de jour comme de nuit, soumis à toutes sortes de dangers prend de plus en plus une ampleur démesurée. 

L’organisation de manifestations nocturnes destinées et/ou accueillant un public constitué majoritairement de mineurs, comme les « navétanes » qui occasionnent souvent des violences gratuites.

Dans notre pays des mineurs ont facilement accès à des substances soumises à des restrictions d’âge : cigarettes, alcool, contenus à caractère sexuellement explicite, s’adonnent aux paris et jeux de hasard et peuvent, lors de sorties organisées, sans être accompagnés d’un adulte passer la nuit dans des établissements hôteliers sans que cela ne semble choquer personne.

Ce sont là des signes évidents de négligence des enfants par les parents, les adultes et les autorités en général.

Nous devons prendre au sérieux l’éducation des jeunes générations si nous voulons construire une nation stable et prospère.

Une autre source de préoccupation concerne les mauvais traitements infligés aux animaux : coups, malnutrition, épuisement, vagabondage, mauvaises conditions de transport : sur les porte-bagages, ou dans les coffres de voitures entre autres mauvais moyens de transports inadaptés.

Toutes ces attitudes constituent un obstacle de taille pour l’établissement de rapports sociaux conviviaux et font de nos villes des espaces peu propices aux affaires, aux véritables loisirs, à la réflexion, de façon ultime compromettent notre paix et dignité collective.

Elles n’honorent par notre culture, nos croyances religieuses et notre humanité.

C’est faire preuve de la plus grande incohérence que de se réclamer de principes et valeurs que l’on peine à retrouver dans nos interactions quotidiennes.

Le respect de l’individu quel que soit son appartenance raciale, sexuelle ethnique, son statut social, sa nationalité, est une exigence éthique au cœur de toute société, de toute culture. Toute société qui perd le sens du respect de l’individu s’éloigne de la civilisation.

Toute institution quelle qu’elle soit, se doit d’être au service de l’être  humain, le plus sacré des institutions.

Nous exhortons  nos citoyens, nous en premier, comme les autorités à :

  • De mettre fin à la lenteur des procédures administratives et refuser que l’on nous impose les longues queues devant les services d’état civil, banques, fournisseurs d’énergie, etc.

  • Exiger une meilleure qualité de service de la part des différents prestataires de services, qu’ils soient publics ou privés.

  • Plus de transparence dans les services bancaires et plus de respect du client.

  • Faire cesser la privatisation des prestations publiques à travers « les pots de vin »pour les actes administratifs, les  cours de renforcement scolaire et autres, ainsi que le refus de dispenser des soins médicaux pour des raisons financières.

  • Encourager le respect d’un code de bonne conduite dans les interactions sociales, le respect de l’ordre d’arrivée.

  • Civiliser les relations entre agents de l’administration et citoyens : faire en sorte que les différents fonctionnaires prennent conscience que leur autorité est régie par les règles statutaires organisant leurs fonctions, et qu’ils ont le devoir d’adopter une attitude correcte et attentive envers les citoyens, et de protéger et respecter la dignité de l’être humain.

  • Faire en sorte que nos compatriotes puissent  bénéficier de la fameuse « Téranga » dont nous nous vantons, dans nos expériences quotidiennes dans les lieux qui accueillent les citoyens sénégalais et étrangers, dans nos services administratives, médicaux et autres, car comme le dit l’adage charité bien ordonnée doit commencer par soi-même.

  • Améliorer la sécurité routière, par la mise en place de feux de signalisation, d’agents et de bénévoles pour aider les enfants à traverser certaines artères avec plus de sécurité aux heures de rentrée et de sortie d’école.

  • Règlementer le trafic routier, surtout au centre-ville, par la limitation de d’accès aux particuliers, la construction de parkings et fixer des heures de livraisons.

  • Sanctionner l’usage du téléphone au volant et les mauvais stationnements.

  • Faire en sorte que la règlementation des motos « Jakarta » ne se limite pas seulement à l’exigence du port du casque disposition qui concerne uniquement la sécurité du conducteur laissant de côté celle des passagers et des autres usagers de la route.

  • Interdire le transport d’enfants en bas âge sur les « Jakarta ». N’est-ce pas faire preuve d’une grande irresponsabilité que de permettre le transport des bébés et enfants de très bas âge dans des conditions aussi dangereuses ?

  • Empêcher la prolifération anarchique des installations industrielles, artisanales ou commerciales dans les quartiers ne nuise à la santé, la sécurité et le bien être des résidents.

  • Résoudre de façon définitive le problème des enfants dans de la rue.

  • Créer plus d’espaces de loisirs pour les enfants et faire que les activités sportives pendant les grandes vacances scolaires se déroulent pendant la journée pour plus de contrôle et de sécurité.

  • Lutter contre les dépôts sauvages d’ordures par le ramassage systématique des ordures ménagères par les autorités publiques à qui incombent la gestion de déchets et sanctionner les auteurs de dépôts sauvages.

  • Construire des espaces verts et réhabiliter ceux existants. 

Il est temps de rompre avec cette conception féodale de l’autorité et du leadership qui se traduit par un vulgaire autoritarisme, reposant plus sur la vanité que sur des compétences réelles.

N’est-ce pas cet autoritarisme, lui-même, expression d’une mentalité servile, qui conduit aux abus de pouvoir, nous pousse à exiger l’obéissance à ceux que nous considérons comme étant au bas de l’échelle et à nous agenouiller devant plus forts que nous ?


C’est manquer de substance, que de chercher la respectabilité dans nos titres, diplômes, statuts et fonctions, lesquels ne peuvent être connus de nos interlocuteurs que lorsque l’on le leur déclame, au lieu de l’acquérir par les signes d’une bonne éducation tels que le respect, la sollicitude et la bienveillance qui sautent aux yeux de tout le monde.

Le bon comportement est la plus haute des compétences et l’expression supérieure de l’intelligence.

Il nous faut embrasser un type de gouvernance reposant sur un leadership plus responsable, plus innovant et plus audacieux à tous les niveaux de responsabilité, de la famille à l’appareil d’Etat. Un leadership porteur de progrès social.

Nous devons prêter une attention particulière à cette oppression latérale ; à savoir l’injustice sous toutes ses formes, qui traverse notre société toute entière et, qui fait le lit de l’oppression verticale et lui permet de se perpétuer depuis des siècles. 

Nous ne devons plus accepter d’être traités comme des citoyens de second rang dans notre propre pays, par des autorités qui montrent plus de bienveillance envers les étrangers qu’envers leurs propres concitoyens.

Notre souhait est de voir le peuple sénégalais se retrouver sur des questions qui menacent la cohésion nationale, au-delà de nos clivages internes.

Nous espérons que cette initiative sera l’occasion de réunir tous ceux qui veulent une véritable rupture dans la gouvernance locale et nationale, donner à notre pays un souffle nouveau. Ceux qui veulent éviter que, le manque d’opportunités d’emplois, la misère, le manque d’hygiène, l’ignorance, les frustrations liées aux nombreuses injustices subies au quotidien ne fassent le lit d’une explosion sociale qui pourrait menacer la stabilité de notre pays.

Nous souhaitons qu’elle soit une opportunité pour pacifier les relations entre les populations elles-mêmes dans leur ensemble, en rompant avec le règne de l’arbitraire banalisé et mettre plus d’élégance dans nos relations.

Nous pensons que la paix devrait être l’affaire de tous, même si nous avons des agendas différents.


Lettre ouverte au peuple sénégalais

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Dernière publication : 23/03/2024