Emigration et problèmes d'immigration
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A ces mouvements engendrés par la guerre, se sont ajoutés ceux des populations soumises à l’arbitraire des puissants, qui feront déplacer des villages pour des besoins de construction de barrages, souvent ,sans impact majeurs sur l’économie locale, ou tout simplement déguerpies quand leurs quartiers intéressent les promoteurs immobiliers, etc.
Des populations entières seront obligées d’abandonner la terre de leurs ancêtres, devenues invivables à cause de la pollution provoquée par l’exploitation minière et pétrolière.
Ainsi les causes de l’émigration sont souvent les conséquences de l’exploitation, l'oppression, la paupérisation et la dégradation environnementale, qui vont pousser les populations sur les chemins de l’exil.
L’émigration en provenance d’Afrique noire connaitra, une amplification suite aux programmes d’ajustement structurels. Elle verra une partie des forces dynamiques de ces populations, laisser parents, femmes et enfants, pour suivre tout naturellement, le chemin des richesses de leurs pays, afin d’aller chercher au-delà de l’océan les moyens de vivre décemment et faire survivre leurs proches.
Le regroupement familial aidant (particulièrement en France), la présence de la population immigrée devenant de plus en plus importante, a commencé à engendrer des frictions avec les populations locales. La perception des immigrés va s’en ressentir, à l’image du travailleur étranger venu donner sa force à la construction d’une France prospère pendant les « trente glorieuses », va se substituer celle de l’immigré clandestin venu « voler » le boulot du français ou « profiter » du système ; accentuant ainsi le ressentiment de certains membres des couches populaires envers les étrangers.
La politique de délocalisation massive des entreprises françaises, montre si besoin en était, que ce n’est point l’immigré qui menace les emplois des français, mais bien le même système d’exploitation qui a poussé ce dernier à quitter son pays.
Ce système, qui fait payer à ces immigrés, des services dans leurs pays hôtes, tout en aidant leurs proches restés dans leurs pays d’origine, à s’offrir ces mêmes services, auprès des mêmes entreprises ou à leurs filiales.
Si les immigrés, qui font constamment l’objet de stigmatisations amplement relayées par les médias, supportent patiemment, violences physiques et verbales, contrôles de faciès récurrents dans les rues et les aéroports, gardes à vue abusifs, c’est pour essayer tant que faire se peut, de corriger les dysfonctions liés à la destruction de leurs systèmes de solidarité millénaires, par les incessantes agressions militaires et les déstabilisations économiques des pays occidentaux. Pourtant, certains politiciens de ces pays, qui vivent des rentes générées par la production de la misère dans les foyers d’émigration, daignent se plaindre de ne pouvoir « accueillir toute la misère » du monde, accusant les spoliés de « profiter de leur générosité ».
Les éléments les plus instruits parmi les populations immigrés, en Europe, souffrent souvent d’un manque de « reconnaissance ». Malgré leurs études et leurs compétences acquises sur le sol de leurs pays hôtes, la mentalité coloniale persistante dans l’imaginaire collectif, fait qu’ils sont généralement confinés à des emplois dévalorisés. Les nombreuses frustrations subies ont poussé certains membres de cette diaspora, particulièrement en France, à formuler des revendications visant à obtenir une plus grande visibilité de personnes, issues de la « diversité », dans les médias et sphères politique et économiques.
Si les problèmes posés par l’immigration de masse sont bien réels, leur amplification par les médias et les hommes politiques ont, pour beaucoup, participé à attiser les sentiments xénophobes.
Ce serait manquer d’honnêteté que de nier la réalité des tensions engendrées par la présence massive d’immigrés dans les pays européens. Il est normal, que puisse s’élever des frictions entre des êtres humains en contact, surtout si toute une propagande médiatique et politique s’obstine à dresser les communautés les unes contre les autres.
C’est dire donc, que les rapports de domination transparaissent aussi dans le problème de l’émigration. Ses modalités, les discours qui la décrivent et la perception même de l’immigré, varient en fonction de son appartenance au groupe dominant ou à celui du dominé.
Les Européens qui se plaignent de l’immigration, comptent parmi les plus nombreux émigrés de la terre, qu’ils ont essaimés, afin d’échapper aux contraintes seigneuriales et persécutions religieuses dans l’espoir de trouver ailleurs une vie meilleure. L’accès aux vastes terres et aux richesses du nouveau monde après l’extermination des autochtones n’a fait qu’attiser leur cupidité.
Et ils sont aujourd’hui présents dans presque tous les pays africains, où ils bénéficient de privilèges qu’ils ne pourraient s’offrir dans leurs pays d’origine, sans pour autant, susciter le ressentiment des populations locales.
Ils jouissent même de l’énorme « privilège », de pouvoir être « défendus » par l’armée de leur pays, qui peut tirer impunément sur des populations civiles (exemple en Côte d’Ivoire).
Les désagréments liés à l’immigration qu’ils subissent, aussi compréhensibles qu’elles puissent être, ne sont rien, comparés aux torts qu’ils ont fait subir et continuent de faire subir aux peuples d’Amérique, d’Australie, d’Afrique et d’Océanie.
Et si on peut reprocher aux immigrés africains de ne pas « s’intégrer » facilement, les émigrés occidentaux peuvent, quant eux, vivre repliés sur eux-mêmes sur le continent africain, leur « supériorité culturelle » les dispensant de « s’intégrer » aux cultures locales.
Les jeunes africains ont le droit d’émigrer pour réaliser leurs ambitions, tout comme les jeunes européens quittent leur pays à la recherche d’environnements économiques plus dynamiques. Toutefois, il semble plus raisonnable, de nous battre avec toute notre énergie pour libérer le continent africain de l’oppression qu’il subit, plutôt que de chercher à imposer notre présence de plus en plus indésirable aux autres pays.
L’émigration massive telle qu’elle se déroule actuellement, participe grandement à l’affaiblissement démographique, économique et culturel du continent africain.
Allons-nous continuer d’enrichir les pays européens par les taxes payées même par « les sans papiers », ainsi que par les nombreux autres services : communications téléphoniques, commissions sur les transferts d’argent, etc. (argent qui bien souvent, revient de façon indirecte dans ces pays, car souvent dépensé pour l’acquisition de biens et services importés), pour en retour, ne recevoir que mépris et insultes ?
Nous devons penser à former une jeunesse habitée par une forte volonté de se dépasser pour la construction d’une Afrique libre et prospère, plutôt que de la pousser à n’avoir d’autre ambition, que celle de combler les déficits en main d’œuvre des pays riches.
Allons nous continuer à déserter nos pays pour enrichir par notre labeur et nos habitudes de consommation (qui, à y regarder de près, sont devenues plus ostentatoires qu’essentielles), ceux à qui, nous donnons ainsi, les moyens de perpétuer leur domination sur nous ?
Au moment où le regain d’intérêt du reste monde pour l’Afrique, coïncide avec la banalisation du racisme et à l’incrimination des étrangers à l’échelle mondiale, nous devons apporter une solution africaine à l’émigration de masse. L’heure doit être à la prise de conscience des enjeux actuels, et d’aller à la « reconquête » du continent. Et cela, non point sous la forme d’un retour massif mais en accroissant notre présence auprès des populations, par le partage réciproque de connaissances, de compétences et d’expériences, par la participation à l’éveil des consciences des populations et à la structuration du tissu économique et commercial local. Il nous faudra essayer de donner un souffle nouveau, une orientation nouvelle, à la vie politique, économique et sociale de l’Afrique.
Si être accepté en tant que citoyen de plein droit dans nos pays d’accueil échappe à notre volonté, œuvrer pour la construction d’une Afrique forte, libre et prospère, ne dépend que de nous, et de nous seuls.
Il apparaît donc que les causes profondes de l’émigration sont à chercher dans la persistance des faiblesses institutionnelles et des nombreux problèmes structurels des pays pauvres, problèmes qui sont souvent les conséquences des dominations externes qui s’exercent sur ces derniers pays.