Liberté et Justice au Sénégal
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Nous vivons un des moments les plus sombres de l’histoire de notre pays et en même temps l’un des plus porteurs de changements.

Nous déplorons les violences lors de ces évènements les actes de vandalisme et regrettons encore une fois les pertes en vies humaines qui pourraient être évitées.

Notre pays, le Sénégal, connait depuis quelques années une situation critique caractérisée par la recrudescence des violences physiques et psychologiques envers les populations :

  • Des violences qui se traduisent par la constante dégradation des conditions de vie des populations victimes et d’un coût de plus en plus élevé de la vie ;
  • Une prédation éhontée du patrimoine foncier en milieu rural comme en milieu urbain ; le dévoiement des institutions à travers l’accaparement de l’appareil d’Etat, en utilisant son patrimoine foncier et financier, des biens publics pour entretenir une clientèle politique ;
  • L’instrumentalisation des institutions judiciaires, des forces de sécurité et de défense à des fins politiciennes. Les différents abus de pouvoir ainsi que le la prolifération de milices pour réprimer les populations, opposants politiques et membres de la société civile, les arrestations et emprisonnements arbitraires et les entraves à la liberté d’expression et de réunion ;
  • L’acharnement contre les membres de l’opposition particulièrement du leader du PASTEF et des membres de son parti, ainsi que la récente condamnation de ce dernier au mépris du respect des principes les plus élémentaires du droit et du bon sens. 

Ces faits qui expriment une inquiétante dérive autoritaire montrent que la situation qui prévaut dans notre pays est d’autant plus préoccupante, que la classe dirigeante de notre pays a atteint de nos jours un tel degré de corruption, d’irresponsabilité, qu’elle n’a plus honte d’afficher son incompétence et son mépris des populations, qu’une mobilisation collective est d’une urgence capitale devant les défis et menaces qui pèsent sur notre pays.

Cette situation Sous bien des aspects, n’est que l’aggravation des dysfonctionnements et tares du système néocolonial accumulés depuis des décennies. La pauvreté endémique, la faiblesse des institutions, la corruption généralisée, la déliquescence des services sociaux, la régression sociale et culturelle, la mal gouvernance, ne sont-ils pas les conséquences de l’État néocolonial, cet instrument de domination impérialiste qui assure la continuité de la servitude coloniale ?

Cette prise en otage de notre souveraineté, la capture de nos Etats par des forces étrangères est ce qui caractérise le «  système » en tant que dispositif mis en place depuis la colonisation, qui de par ses mécanismes institutionnels dispose de sa propre dynamique permettant ainsi sa pérennité.

Cette prise en otage de notre souveraineté est ce qui caractérise le « système » en tant que dispositif mis en place depuis la colonisation qui de par ses mécanismes institutionnels dispose de sa propre dynamique permettant ainsi sa pérennité.

Le système néocolonial fonctionne un peu selon la méthode de l’autonomie coloniale telle que décrite par Jules Harmand 1 qui, consiste à organiser les possessions comme des Etats, à les pourvoir de tous les rouages administratifs, financiers et militaires nécessaires au fonctionnement des Etats, de tous les caractéristiques constitutifs des Etats sauf un seul, l’indépendance.

L’état néocolonial étant le garant au niveau local des intérêts de l’empire colonial.

Dans une certaine mesure nous faisons tous partie du système dont nous sommes des acteurs conscients ou inconscients, car le système impérialiste de par sa dimension hégémoniste contrôle ou influence l’environnement politique, économique et socio culturel dans lequel se déroulent nos existences.

L’impérialisme ne se limite pas qu’aux interventions militaires, il fournit de l’aide militaire, financier, construit des écoles et des ponts entre autres. C’est par ces méthodes non violentes, qu’il réorganise les relations sociales des pays vassaux, renforce leur dépendance, facilite l’exploitation de leurs ressources, et les installe dans un système d’assistanat qui paralyse le développement de leurs potentialités humaines.

C’est en comprenant les mécanismes de la domination impérialiste que l’on pourra s’en libérer.

Refuser de combattre la domination c’est l’accepter, et pire encore s’en accommoder, à travers ce que l’auteur ci-dessus cité appelle le « contrat d’association » (voir encadré). Ses propos, malgré leur caractère condescendant, devraient tous nous interpeller, car ils décrivent d’une certaine manière le contrat tacite de la servitude volontaire.

Nous avons accepté que l’ordre impérialiste nous impose la propre définition de notre réalité, par une sorte d’auto censure, en faisant apparaitre comme désuet tout vocabulaire permettant de décrire ses néfastes politiques.

Nous agissons comme si les inégalités dans les relations internationales issues de la colonisation avaient subitement disparu et n’étaient plus maintenues par des mécanismes et dispositifs institutionnels, économiques, financiers et militaires, que ces pressions extérieures étaient sans conséquences aucune sur les réalités intérieures de nos pays. 

Ce que certains ont voulu appeler « l’Etat Africain » n’est en fait que la capture de nos appareils d’état par des puissances d’argent.

Ce phénomène n’est pas une spécificité africaine, comme veulent le faire croire certains qui veulent enfermer les Africains dans un essentialisme qui sert leurs prétentions suprématistes.

Tout projet de recapture de nos appareils d’Etat, toute tentative de mise en place d’un Etat véritablement africain fait l’objet d’une violente attaque.

La corruption et le clientélisme sont loin d’être inconnus sous d’autres cieux, pour preuve les propos de Karl Marx 2, parlant de la monarchie française, qui gardent toute leur pertinence à l’époque des démocraties modernes.

« La monarchie de juillet n’était qu’une société par actions fondée pour exploiter la richesse nationale française, dont les dividendes étaient partagés entre les ministres, les Chambres, deux cent quarante milles électeurs et leur clientèle…»



Dans cette perspective, toute recherche de consensus devrait d’abord porter sur les raisons fondamentales de notre condition qui ne cesse de se dégrader malgré les simulacres de progrès.

Il ne saurait y avoir de progrès tant que nos pays seront sous la domination étrangère, car celle-ci corrompt la société toute entière. Des dirigeants obligés de quémander des capitaux auprès de puissances étrangères seront plus facilement sujets à la corruption, et des populations constamment soumises par la pauvreté, à la lutte pour la survie quotidienne, pourront difficilement développer un sens du civisme et du patriotisme en général. L’acceptation tacite de la servitude nous condamne inéluctablement à des postures incohérentes et intenables à long terme.3

La question de notre souveraineté ne doit être évitée sous aucun prétexte, que ce soit par manque de courage pour ne pas gêner la sensibilité de certains groupes considérés comme puissants, ou pour défendre des intérêts personnels.

Le contrôle des leviers importants de notre économie par une classe d’hommes d’affaires étrangers avec la complicité d’une minorité de nationaux, laissant la majorité des sénégalais au bas de l’échelle sociale, sont des questions que tout peuple soucieux de sa dignité doit affronter avec courage sans tomber dans les passions ni le chauvinisme.

Exiger le respect de notre dignité ne signifie point attiser la haine contre les autres peuples, comme le prétendent ceux qui sont tellement habitués aux courbettes d’un côté et à la domination de l’autre.

Lutter contre la domination néocoloniale ne signifie point chercher à culpabiliser ou disculper un peuple, ou nourrir la haine contre une communauté. C’est plutôt un appel à la responsabilité de chacun, principalement nous, ressortissants de pays sous domination. Ceux vivants dans les pays impérialistes sont comme nous, témoins de la présence coloniale de leurs armées dans les pays étrangers, ainsi que des agressions contre des pays tiers, Irak, Afghanistan, Lybie, Mayotte etc. Les prétextes utilisés pour justifier ces agressions n’ont pas beaucoup changé. Depuis le début de l’entreprise coloniale, la « mission civilisatrice » et raciste demeure le fil conducteur qui transparait à travers la sauvegarde de la démocratie, l’ingérence humanitaire ou la lutte contre le terrorisme. 

Face à ces agressions nous n’allons pas adopter une lâche politique de l’autruche en continuant d’accepter l’avilissement que constitue toute forme d’oppression impérialiste.

Nous prônons la fraternité avec tous les peuples et n’invitons pas au refus systématique de toute collaboration avec des entreprises occidentales ou autres. Nous tenons toutefois à que cette collaboration n’œuvre pas contre les intérêts du peuple Africain, ou ne se fasse pas au détriment de l’équilibre social, culturel et environnemental du peuple africain.

Il faut avoir assez de lucidité pour ne pas confondre la logique des relations personnelles avec celle des rapports de groupe. Ce n’est point faire preuve d’hostilité que de chercher à neutraliser et éliminer l’emprise et la capacité destructrice et déshumanisante des autres groupes sociaux sur nos existences.

Nous devons refuser, nous Africains, d’être ceux à qui on veut imposer pour l’éternité, la servitude, l’humiliation et l’oppression.

La peur d’affronter « les puissants » nous poussera toujours à l’auto destruction car nous serons obligés « de nous faire violence », à travers les querelles intestines.

Le peuple dans toutes ses composantes doit prendre son destin en main car la question de la souveraineté nationale ne concerne pas seulement « la classe politique » mais l’ensemble des Sénégalais, encore confinés au statut d’indigènes par l’État néocolonial.

Nous pensons que dans ce contexte, tout consensus devrait s’articuler autour d’un programme de rupture définitive d’avec l’État néocolonial, ainsi que le mode de gouvernance oppressif, servile, patrimoniale et corrompu qui le caractérise.

Comment faire face ou réduire la virulence et l’effet destructeur de l’impérialiste ?

Si nous sommes contre un troisième mandat, c’est beaucoup plus par respect de la parole donnée, le respect des citoyens que par le fait que considérons la limitation des mandats comme une préoccupation fondamentale des Sénégalais et des Africains en général.

Nous pensons que les préoccupations essentielles des populations dépassent de loin la simple alternance à la tête de nos Etats, depuis des décennies, d’individus faisant des promesses qu’ils ne respectent pas.

Depuis des décennies, nous nous sommes contentés de juger notre démocratie à travers le regard des autres.

Le peuple n’a jamais été aussi exclu des décisions sur les questions le concernant, au niveau local et national, jamais il n’a été aussi affaibli, dépourvu de pouvoir que sous cette démocratie vue comme une « performance » avec des pays s’érigeant en arbitres.

La démocratie ne consiste pas en l’imitation de procédures formelles copiées de pays considérés comme des modèles et qui sont loin de l’être. Les visées hégémoniques de ces derniers qui les font utiliser leur pouvoir pour imposer leurs volontés aux pays faibles en font même une réelle menace pour une véritable démocratie dans ces pays

La politique, dont la démocratie n’est qu’un des instruments, sert essentiellement à résoudre les problèmes sociaux. Ceux-ci ne sauraient être résolus sans développement économique, il ne saurait y avoir de développement économique dans indépendance et il n’y pas d’indépendance, encore moins de démocratie sous la domination impérialiste, capitaliste et néocoloniale et toute réaction à cette domination  devra reposer sur une claire conscience de notre identité culturelle. Tous ces éléments forment un tout inséparable.

Pour un peuple dominé l‘objectif primordial devrait être la libération. C’est durant ce processus de libération que se forme une élite patriote, s’affermit la cohésion nationale et que se construit la démocratie véritable, non pas celle formelle que nous vendent les institutions impérialistes internationales.

On construit une démocratie avec des démocrates, c’est-à-dire avec des acteurs qui, à tous les niveaux, acceptent de nouer des relations respectueuses, aussi bien au niveau de la cellule familiale qu’au sein des différents espaces publics, écoles, services administratifs, etc. Dans notre société le despotisme s’exprime par des abus d’autorité à tous les niveaux, au lieu de relations basées sur le respect mutuel, c’est l’obéissance aveugle à toute personne détentrice d’une quelconque autorité qui prévaut.

Le sursaut patriotique d’une partie de la jeunesse africaine est révélateur de sa détermination à prendre son destin en main et de sortir du statu quo colonial.

Dans un contexte difficile, elle cherche à sortir de la léthargie qui a prévalu les décennies précédentes, pendant lesquelles le « vide politico-idéologique » était « occupé » par les « Afro pessimistes » ou « Afro optimistes ».

Cette partie de la jeunesse ne supporte plus l’ordre néocolonial, qui consiste en l’exploitation de millions d’Africains, que la misère, la pollution exposent aux maladies et épidémies récurrentes, aux violences des guerres de prédation, dont les massacres et viols de masse sont les conséquences. Ils ne supportent plus cette déshonorante condition qui jette plusieurs de leurs frères et sœurs sur les chemins de l’émigration où ils sont exposés aux nombreuses humiliations, partout dans le monde. 

Cette jeunesse dans sa révolte interpelle toutes les composantes du peuple, car elle a besoin du soutien d’une assez large frange de la société, pour construire un avenir plus prometteur.

Peu importe que l’on puisse juger comme maladroite la manière dont la jeunesse pose les questions « fondamentales », la remise en question de ce système demeure d’une impérieuse nécessité.

Il ne suffit pas d’être jeune pour être l’espoir d’un pays. Si cela était vrai, le monde se porterait mieux aujourd’hui. Ce sont les jeunes d’hier qui sont au pouvoir aujourd’hui.

Avant de formuler des reproches aux jeunes d’aujourd’hui qui ne sont pas tombés du ciel, il faudrait d’abord commencer par se remettre en question, se poser les questions adéquates et y répondre avec courage et honnêteté.

Ont–ils véritablement été « élevés » dans le véritable sens du terme ? Loger, nourrir, vêtir, scolariser, même dans les établissements les plus « prestigieux », cela suffit-il à « élever » notre humanité ? Quelles valeurs et vertus leur a-t-on transmis ? Ceux qui se plaignent de la déliquescence des valeurs, ont-ils fait de leur mieux pour les préserver ? Ont–ils essayé d’avoir le contrôle sur l’environnement politique, économique et social au sein duquel leurs enfants vont grandir ?

Ont-elles su donner des idéaux et des missions qui permettraient aux jeunes générations de se dépasser ?

Les jeunes Africains grandissent dans des sociétés où ceux qui sont censés être les élites de leur pays, sont ceux-là mêmes qui conspirent contre l’intérêt national, compromettent leur avenir et maintiennent les populations dans un état de tension permanent.

Ils subissent la violence du dénuement, celle que l’on ressent quand on est incapable de satisfaire ses besoins les plus élémentaires, d’assurer la nourriture à sa progéniture. Celle du sentiment d’inutilité qui habite la majeure partie des sans-emploi.

Elle fait face à l’indifférence des autorités qui, ne semblent pas se rendre compte de la violence qui traverse une société qu’ils croient pacifique par essence, alors qu’elle est déchirée par l’oppression à tous les niveaux. Elles sont restées inattentives aux appels au secours de cette jeunesse qui, devant ce mur d’incompréhension se réfugie de plus en plus dans les pratiques addictives dans des groupes sectaires.

Les jeunes générations doivent être proprement éduquées, idéologiquement armées, politiquement conscientes si nous voulons sortir de l’univers de l’asservissement colonial, sinon, elles risquent de se retrouver éternellement à la place des « espoirs » d’hier qui nous déçoivent aujourd’hui.

Le moment est venu de procéder à une réflexion collective sur notre condition de façon radicale car ce n’est pas en s’attaquant aux entreprises étrangères, ou en perdant notre énergie dans la xénophobie que l’on mettra fin à la domination coloniale.

La révolution ne consiste pas seulement en des mots et slogans, ou un déferlement de violence. C’est d’abord et avant tout un état d’esprit qui consiste à strucurer nos pensées et comportements, nos relations sociales d’une façon qui élève notre humanité et celle de nos prochains, qui valorise la liberté et la justice au-dessus de tout.

Nous devons nous atteler, de façon résolue, à rétablir nos liens communautaires en réajustant nos relations de façon à forcer le respect des autres nations. Renouer avec notre tradition de bâtisseurs de nation, en mobilisant nos compétences, nos ressources pour sortir notre pays de la dépendance, ou tout au moins la réduire.

Nous souhaiterions que cette crise soit l’occasion d’un véritable sursaut collectif pour donner une direction nouvelle à notre pays.

Qu’elle nous permette de prêter une plus grande attention aux différentes formes de violences et abus de pouvoir qui affectent notre société, que ce soit entre gouvernants et gouvernés, autorités policières, judiciaires, administratives et citoyens, si nous voulons réinstaurer un véritable dialogue national loin des préoccupations politiciennes.

La préservation de la paix, le respect de la loi, le règne de l’ordre passe nécessairement par la vérité et la Justice.

Pour un Sénégal libre

« Le contrat d’association »


Le conquérant européen apporte l’ordre, la prévoyance, et la sécurité dans une agglomération humaine, qui tout en aspirant ardemment, dans chacun de ses membres et dans son ensemble, à ces biens fondamentaux, sans lesquels aucune communauté ne peut progresser, n’est pas apte à les faire sortir elle-même de son sein. Elle végétait, au jour le jour, dans la crainte universelle, étiolée sous le poids des abus et des injustices. L’Etat européen lui communique, avec la paix publique et particulière, la puissance mécanique, l’argent, le crédit, l’hygiène qui vont vivifier les activités latentes de ces populations, multiplier leur nombre et transformer leur sol. Avec les instruments matériels et intellectuels qui leur faisaient défaut et dont il les arme, il leur procure l’idée et l’ambition d’une existence meilleure et les moyens de les réaliser

Nous vous respecterons disent les sujets, si vous commencez par vous montrer respectables ; nous vous obéirons si vous pouvez réussir à nous convaincre de toutes les supériorité de cette civilisation dont vous avez plein la bouche, et nous démontrer qu’en nous imposant votre direction, vous ne poursuivez pas uniquement votre intérêt, comme vous nous l’assurez sans cesse.

Nous voulons bien travailler pour vous, mais à la condition que nous y trouverons d’abord notre avantage et parce que nous ne pouvons pas ne pas reconnaître le travail, devenu plus nécessaire, est aussi devenu plus fructueux et plus sûr, et que nos propriétés sont mieux garanties.

Vous êtes profondément antipathiques à notre nature. Cependant, nous subirons votre direction, à la condition aussi que notre genre de vie n’en sera pas aussi bouleversé, que vous ne prétendrez pas nous soumettre des idées et des institutions que nous ne pouvons pas comprendre, nous forcer à consommer des produits dont nous n’avons pas besoin, que nous n’aurons avec vous que le moins de contact possible, que la plupart d’entre nous ne s’apercevront de votre action que par ses résultats.

Nous paierons les impôts que vous exigez de nous, mais à la condition que nous puissions constater qu’ils nous servent et que le produit en reste chez nous, qu’ils n’entraînent pas pour notre misère des renchérissements factices, qu’ils ne se dissipent pas en luxes qui nous sont inutiles et incompréhensibles et qui, insultant à notre pauvreté, vous montreraient à nos eux comme des parasites et des menteurs.

Nous oublierons tout ce que nous avons souffert comme soldats, en luttant contre votre conquête et nous vous défendrons et mourrons à côté des vôtres, ici et même hors de nos frontières, si cette servitude profite à la nation que nous sommes, nous préserve de nos voisins, et à l’occasion nous en venge.

Nous vous servirons avec fidélité disent les chefs et les classes supérieures, si vous servir ne nous déshonore pas, si au lieu de nous accabler de vos dédains, de nous ruiner dans notre fortune et notre orgueil, de vouloir faire de nous des compliques, traitres à nos compatriotes, vous nous admettez à prendre part à nos lois, à l’administration de notre pays en y conservant le statut social que nous avons acquis.

Nous vous aiderons ou nous laisserons faire, disent les princes, si vous compensez par des avantages matériels appréciables et des illusions consolantes pour notre vanité, la diminution de pouvoir que vous nous infligez, et si vous nous persuadez que votre protection, que nous n’avons pas demandé, nous offre la seule chance de survie qui nous reste.

Nous nous résignerons à votre domination si elle est forte et si elle se montre meilleure pour notre pays et notre peuple, que toute celle que notre faiblesse nous permet encore d’espérer ou de craindre

Tel est le schéma de la politique d’association.

HARMAND, Jules, Domination et colonisation, Ernest Flammarion 1910 (p.161 à 163)


Notes

1 HARMAND, Jules, Domination et colonisation, Ed. Ernest Flammarion, 1910

Définition de l’autonomie coloniale
Elle consiste telle que nous la concevons, à organiser les possessions comme des états, à les pourvoir de tous les rouages administratifs, financiers et militaires nécessaires au fonctionnement des états, de tous les caractéristiques constitutifs des états sauf un seul, l’indépendance. (p.22-23)

2  Marx, Karl, Manifeste du parti communiste, Ed. Paris 10 18
« La monarchie de juillet n’était qu’une société par actions fondée pour exploiter la richesse nationale française, dont les dividendes étaient partagés entre les ministres, les Chambres, deux cent quarante milles électeurs et leur clientèle…

Pendant que l’aristocratie financière édictait les lois, dirigeait la gestion de l’état, disposait de tous les pouvoirs publics constitués, dominait l’opinion publique par la force des faits et par la presse, depuis la cour jusqu’au café borgne, on voyait se reproduire la même prostitution, la même tromperie éhontée, la même soif de s’enrichir, non point par la protection, mais par l’escamotage de la richesse d’autrui déjà existante ; c’est notamment aux sommets de la société bourgeoise que l’assouvissement des convoitises les plus malsaines et les plus déréglées se déchainait, et entrait à chaque instant en conflit avec les lois bourgeoises elles-mêmes ; car c’est là où la jouissance devient crapuleuse, ou l’or, la boue et le sang s’entremêlent que tout naturellement la richesse provenant du jeu cherche à se satisfaire. L’aristocratie financière, dans son mode de gain comme dans ses jouissances, n’est pas autre chose que la résurrection du prolétariat en guenilles dans les sommets de la société bourgeoise ». (p.71-72)


3 HARMAND, Jules, Domination et colonisation, Ed. Ernest Flammarion, 1910
Leurs chefs ne sont dépourvus ni de l’idée ni de l’intention du bien public. Mais ils n’ont pas la possibilité de la longue attente des résultats et ils manquent d’ailleurs des réserves de capital et des connaissances scientifiques sans lesquelles on ne peut maitriser une nature débordante et fantasque.

Sans même parler des dangers extérieurs qui peuvent les paralyser, ils sont obligés, rien que par les difficultés et les désordres intérieurs, de vivre au jour le jour.

Ayant des lois théoriquement excellentes, traduisant et synthétisant parfaitement leur évolution, ils n’ont pas les moyens de les appliquer, et cette impuissance contribue à les démoraliser. Découragés par une tache supérieure à leur force, ils en arrivent à ne plus chercher dans le pouvoir que des avantages personnels, s’ingéniant seulement à perpétuer les abus dont ils vivent et qui finissent par envahir le système du gouvernement tout entier.

Sous ce régime ou la violence et la faiblesse, l’arbitraire et le laisser-aller se mélangent, le peuple de son côté travaille à vide. Son activité déjà contrarie et réduite, ne laisse rien au gouvernement et le mince produit obtenu se disperse encore en route.

Non seulement il n’y a plus entre l’intérêt des administrateurs et des administrés cette concordance sans laquelle il n’y a pas de bon gouvernement possible, mais ces intérêts s’opposent. La concussion et la corruption deviennent universelles et le désordre est irrémédiable.
(p.164–165)

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Dernière publication : 16/04/2024