Patriotisme, Néocoloniaslime
et lutte contre l’impérialisme
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La lutte pour l’indépendance ne saurait être déléguée à quelques individus, elle doit être collective, car elle nous concerne tous, quelles que soient nos activités et responsabilités sociales ou professionnelles. Tant que nos pays seront dans cette situation de désarticulation systématique et d’extraversion de nos économies, il serait illusoire de rêver à un quelconque progrès économique et social.


La lutte anti impérialiste commence au niveau national, par la reconquête du pouvoir politique, par les forces les plus révolutionnaires du peuple, animées d’un fort sentiment patriotique qui aspirent à se libérer du joug néocolonial.

Pouvons-nous nous plaindre de la mauvaise qualité de notre leadership tout en continuant de contribuer à sa reproduction ?

Avec des campagnes électorales qui ressemblent beaucoup plus à une foire d’empoigne qu’à un rendez-vous pendant lequel un peuple se « replie sur lui-même ». Une fraction importante du corps électoral parait inconsciente des véritables enjeux que représentent les élections, car beaucoup d’électeurs sont payés pour « faire foule » lors des rassemblements, ou pour « donner ou plutôt vendre leur voix » lors du vote.

Des électeurs qui, loin de s’interroger sur l’origine de la fortune de leurs donateurs, font même de ces actes de « générosité » intéressées, un critère de sélection de candidats dont la première vertu serait d’être « actif dans le social » comme on le dit au Sénégal. « Le social » se réduisant à ces dons qui maintiennent leurs bénéficiaires dans une permanente précarité. Parce qu’ils les condamnent à fréquenter des hôpitaux sous équipés, des routes impraticables, à envoyer leurs enfants dans des écoles en déliquescence, avec des dirigeants qui les méprisent.

Devrait–on s’étonner de la mauvaise qualité du leadership dans nos pays lorsqu’on élit ses dirigeants avec cette extrême légèreté ?

Comment s’attendre à ce que des politiciens qui « investissent dans leurs « électeurs » afin d’avoir accès aux privilèges qu’offre le contrôle de l’appareil d’Etat, puissent être à leur service ? L’horizon politique ne dépasse pas la bipolarisation « majorité / opposition », les échéances électorales ou la limitation des mandats. 

L’opposition étant perçue dans l’imaginaire populaire comme un bloc homogène, sans clivage idéologique, dont l’objectif est non pas d’opérer une rupture radicale avec le système oppressif néocolonial, mais de changer de président.

La prolifération des coalitions hétéroclites réunissant des membres de la « gauche » et des « libéraux », aussi bien au niveau du pouvoir qu’au sein de l’opposition, comme c’est le cas au Sénégal, donnent à penser que les convictions idéologiques affichées ne servent souvent que de prétexte pour se positionner dans le jeu politique .

 

Ainsi réduite à son aspect purement procédural, la politique se limite à savoir comment acquérir le « pouvoir » et le conserver ; le « pouvoir » consistant à se servir en servant les intérêts des pays impérialistes, au détriment de ceux du peuple.

Ce système, pour faire une paresseuse analogie, ressemble à un véhicule reçu en héritage avec un moteur dont les défauts de conception font, qu’on aura beau changer de chauffeur, ses performances demeureront toujours médiocres même avec un pilote de Formule 1.

C’est au rythme de ces alternances durant lesquelles tout est fait pour que rien ne change, que se maintient le statu quo.

La démocratie ne se limite pas seulement à choisir ses dirigeants ou comme le disent certains, choisir de « nouveaux maîtres » de façon périodique. C’est maintenir le peuple dans une grande illusion que de lui faire croire qu’il serait détenteur d’un pouvoir qui ne s’exercerait qu’un jour tous les cinq ou sept ans et le laisserait à la merci durant cet intervalle, impuissants et à la merci de l’arbitraire des élus ?

Nous avons perdu de vue que le rôle ultime de la politique, surtout les pays dominés comme les nôtres, c’est de résoudre la question sociale. La véritable reconquête du pouvoir sous nos cieux devrait consister à mettre fin à la capture de nos Etats par les forces économiques étrangères. Nous pouvons constater que les pays d’Afrique Occidentale ayant été colonisés sous la monarchie française, sont depuis lors, demeurés sous sa domination malgré la révolution et la succession des républiques.

Faute d’une analyse radicale de notre condition, nous naviguons dans le monde avec un ambigu sentiment d’appartenance, mettant nos compétences au service des différentes institutions et de l’agenda de l’empire.

Nous continuons ainsi d’être traités comme une minorité sur notre propre continent comme en dehors, parce que nous contribuons nous-mêmes à la continuité de la domination néocoloniale. A travers, l’enrôlement des Africains dans les armées étrangères, ou la légion étrangère souvent pour obtenir la nationalité de ces pays, l’engagement de nos soldats dans les différentes missions des Nations Unies durant lesquelles des Africains sont prêts, contre des indemnités, à ôter la vie de leurs propres frères pour sauvegarder les intérêts des entreprises multinationales.

Nous ne nous questionnons pas, non plus, sur le rôle des hommes d’affaires et intellectuels dans le dispositif oppressif de l’impérialisme et du néocolonialisme, tellement nous sommes fiers qu’ils « nous représentent » dans cet univers qui pour nous, symbolise le sommet de la réussite. Ces célébrités, en général, enrichissent beaucoup plus les clubs sportifs, maisons d’éditions et autres institutions, qu’elles ne servent leurs pays d’origine qui souffrent d’un criard manque d’infrastructures sportives, éducatives, artistiques et autres.

Ces idoles, placées sous le feu de la rampe, jouent leur partition de façon consciente ou non dans la lutte idéologique contre les peuples dominés. C’est à travers eux que nos rêves sont capturés, détournés et orientés non pas vers la construction d’un monde nouveau où nous serons libérés de toute exploitation, mais à encourager, notre participation à un monde dans lequel nous serons toujours au service des autres nations.

Comment pouvons-nous faire « peuple », lorsque notre sentiment patriotique ne dépasse pas la fierté d’être représenté auprès des organisations et institutions créées par les autres nations ?

Pourquoi devrions-nous tirer notre fierté des d’individualités reconnues à l’étranger au lieu de nous vanter de nos réalisations collectives ?

Cette fierté qui nous habite après la victoire de nos équipes nationales, les prouesses de nos sportifs, les distinctions de nos artistes, écrivains, scientifiques par des organisations ou institutions internationales ne génère en nous aucun sentiment de solidarité encore moins de responsabilité.

La ferveur des lendemains de victoires n’empêche point ce sentiment d’intolérance généralisée à travers ces violences intestines, ces abus de pouvoir, ces brutalités policières, ces patients délaissés sans soins, faute d’argent.

Nous devons aller au-delà de ce type de patriotisme qui ne dépasse pas le chauvinisme le plus élémentaire. Un patriotisme qui ne se nourrit d’aucune réflexion critique sur notre histoire, notre condition collective, sans aucune projection dans l’avenir autre que ce que veulent bien nous réserver les membres de la « communauté internationale ».

Peut-on construire la cohésion nationale lorsque chaque catégorie socio professionnelle réclame des privilèges de l’Etat, au lieu de lutter pour une politique de réduction des inégalités et d’un accès universel aux services publics ? Lorsque les syndicalistes mettent la solidarité corporatiste au-dessus de l’intérêt national, se montrant prêts à défendre leurs membres au détriment de la vérité et de la justice ? Peut-on construire un fort sentiment d’appartenance national lorsque l’Etat vampirise le peuple qui à son tour se lance dans une guerre intestine sans merci ? Peut-on construire un sentiment patriotique lorsque nous adorons « le Dieu argent », quelles que soient nos croyances et valeurs dont nous nous réclamons ? Lorsque le désir de réussite individuelle au sein de ce système, l’emporte sur le sentiment de loyauté communautaire. Comment pourrait-on se révolter contre un système dont on partage les valeurs ?

Nous nous retrouvons ainsi sous le système néocolonial, vivant au sein de sociétés sans cohésion interne, sans aucun élan et agenda endogène.

Les peuples africains doivent se débarrasser de cette classe dirigeante parasite dont la conception du progrès ne dépasse point la reproduction, sur le continent, des infrastructures existant en Occident, ignorant les conditions socio–historiques ayant conduit à leurs réalisations.

Une classe dirigeante qui ne nourrit aucune ambition de contrôler les leviers économiques de leur communauté, préférant se vanter de leurs possessions de prestige.

Les membres de cette classe se contentent de leurs statuts de véritables rentiers, parasitant leurs propres communautés, n’ayant d’autre « projet » que celui de continuer à faire fonctionner leur pays grâce à « l’aide internationale », de la coopération internationale. En d’autres termes, maintenir dans la trajectoire coloniale la continuation des investissements des pays colonisateurs pour la mise en valeur de leurs colonies du continent africain à leur profit.

Elle s’évertue depuis des décennies  à salir l’honneur des Africains.

Le sens de l’honneur, de la dignité devrait nous empêcher d’élever nos générations futures dans un environnement où leur sont renvoyés quotidiennement les symboles de l’impuissance de leur peuple et projetés la puissance des autres nations. C’est le cas lorsqu’ils voient circuler dans les rues de leurs pays des véhicules des services de l’Etat : ambulances, motos de gendarmerie, fourgons de police dont certains portent encore les couleurs ou symboles, ou mentionnant  les pays donateurs.

A tous les niveaux, des programmes sont financés par des pays étrangers vers lesquels nos pays exportent plus de richesses qu’ils n’en reçoivent.

Pourquoi se doter d’un Etat indépendant lorsqu’on « n’a pas les moyens de financer » un seul de nos projets sans aide extérieur, si c’est pour continuer à être administré à tous les niveaux par les Occidentaux ?

Dépourvus de tout plan d’industrialisation cohérent permettant de créer des emplois, nos Etats préfèrent confier l’avenir de leur jeunesse aux programmes financés par des institutions étrangères, aux employeurs sans scrupules qui les confinent dans le statut de stagiaires permanents ou à l’auto emploi.

La paresse de cette classe dirigeante habituée à recevoir le savoir à la petite cuillère, par un système éducatif plus préoccupé de former de dociles serviteurs que de libres penseurs, la pousse à importer des diagnostics et outils pour penser ou résoudre nos problèmes spécifiques.

Avec un système éducatif totalement inadapté aux besoins de nos pays, cette classe nous parle de l’inadéquation de l’offre de la formation avec le « marché du travail. Répétant des diagnostics établis par certains pays européens, en proie avec l’explosion du chômage dans les années 1990, qu’ils veulent appliquer à un écosystème économique caractérisé par le désert industriel ; Un environnement marqué par la désarticulation des différents secteurs industriels, la forte dépendance aux capitaux et produits étrangers, l’absence d’industriels patriotes soutenus par l’Etat et les banques nationales, en somme une économie coloniale. Nous n’avons pas la même histoire industrielle, la même configuration institutionnelle que ces pays.

Quelles sont les forces qui contrôlent le marché de l’emploi dans nos pays ?

N’avons-nous pas de plus haute ambition que de former de la main d’œuvre pour les entreprises étrangères ? N’est-ce pas rester dans la logique de l’esclavage ?

Nous ne saurions comprendre notre condition sans comprendre la place assignée aux Africains dans l’économie mondiale depuis l’esclavage.

L’industrialisation d’un pays ne consiste pas seulement à accueillir des industries à la recherche de main d’œuvre à bon marché, déplacer les sources de pollution et fournir en produits de mauvaise qualité un marché constitué de population que l’on méprise.

L’industrialisation n’a pas seulement une dimension économique, il est dans sa dimension anthropologique l’expression culturelle de la liberté et du génie d’un peuple à travers sa capacité à résoudre ses problèmes.

Sans la prise en compte de cette dimension de l’industrialisation, nous risquons de nous intéresser qu’à la croissance économique portée principalement par des entreprises étrangères ou leurs filiales locales, au détriment de celle de notre intelligence et prospérité collective.

Il en est de même avec le concept de « responsabilité sociétale des entreprises ».

C’est faire preuve d’une indécente hardiesse, que de parler de responsabilité sociétale des entreprises lorsque l’on exerce une gouvernance foncièrement irresponsable à l’égard de ses propres compatriotes.

La responsabilité sociétale ne devrait pas se réduire à quémander auprès des entreprises, les miettes qu’elles voudraient bien laisser tomber en rénovant certaines écoles ou par la construction d’espaces verts, rapatriant l’essentiel de leurs bénéfices vers leurs pays d’origine. La principale responsabilité d’une entreprise devrait consister à accorder du respect aux travailleurs en leur payant des salaires décents, de s’acquitter de leur devoir fiscal, de respecter notre environnement et des populations qui y vivent. Et surtout qu’elle soit comptable des dommages causés par la pollution qui expose les populations riveraines à de graves maladies incapacitantes.

Dans cette même perspective, nous faisons de l’accueil de l’investissement étranger la priorité de nos politiques de développement.

En l’absence de véritable politique économique visant à sortir de la dépendance ou du moins sa réduction, sans aucun cadre régulateur, aucune stratégie permettant d’accroître notre résilience au sein d’un impitoyable ordre impérialiste, l’investissement étranger ne servira qu’à maintenir le statu quo.

L’investissement étranger aurait-il le même impact au sein des pays membres du bloc impérialiste comme les USA, le Royaume Uni, le Japon, l’Union Européenne que dans nos pays dominés ? Aurait-il le même impact dans les pays ayant une longue tradition commerciale et d’industrialisation même non mécanisée et surtout organisés autour d’un fort sentiment national ou d’une idéologie tournée vers le refus de la domination impérialiste que chez ceux qui s’accommodent de leur « confortable » statut de satellites ?

La peur de faire fuir les investisseurs étrangers, exprime notre manque de courage et d’audace.

Qui étaient les investisseurs étrangers qui ont contribué au décollage économique de l’Europe ?

N’est-ce pas la violente accumulation du capital, l’accès aux terres, ressources et labeur des peuples conquis par la diaspora occidentale disséminée à travers le monde, qui est à l’origine de leur développement, processus qui d’ailleurs continue de nos jours ?

Si les investisseurs étrangers ne faisaient pas d’énormes profits, ils ne viendraient pas s’établir dans nos pays. Leurs profits proviennent de nos revenus capturés de la naissance à la vieillesse par les biens et services qui font tourner leurs économies.

Nous parlons de l’évasion de nos richesses provenant de l’exploitation de nos richesses naturelles et non pas celles que nous perdons par l’exploitation de nos consciences.

A combien s’élèvent les sommes qui quittent nos poches pour enrichir les autres nations ? A combien s’élèvent et à qui profitent nos « besoins alimentaires », nos choix architecturaux, ces dépenses de prestige, la surconsommation de contenus audiovisuels divertissants ?

Qu’est-ce qui explique cette tendance à l’extrême superficialité qui nous pousse à recourir à ces artifices capillaires et autres, qui relèvent de la mascarade, ces désirs extravertis et souvent futiles, dont la satisfaction nous réduit à la misère et nous rend incapables de satisfaire nos besoins vitaux ?

Par notre consommation frénétique de biens et services, nous contribuons à donner aux autres nations les moyens financiers de consolider leur domination sur nous.

Nous ne pouvons pas continuer sans nous remettre en question et assumer notre responsabilité dans notre condition collective.

Cette classe à la tête de nos Etats, malgré sa relative opulence, ses apparentes accointances de classe avec l’oligarchie des pays impérialistes, demeure embarquée qu’elle le veuille ou non, dans la même galère, partage la même condition, que la masse appauvrie qu’elle traite avec mépris.

D’une certaine manière, elle partage avec elle non seulement les abjectes conditions de vie, l’environnement malsain parce qu’elle a regardé les multinationales transformer nos pays en dépotoirs de déchets toxiques et de produits de mauvaises qualité, les routes impraticables, les hôpitaux sous équipés qui les obligent à sortir de leur pays pour s’offrir des soins, mais aussi et surtout la servile condition d’un peuple humilié et méprisé par le reste du monde.

Aussi riches que puissent être les membres de cette classe au pouvoir, ils ne disposent d’aucun pouvoir de décision dans la conduite des affaires du monde, dans le fonctionnement du système. Ils demeurent à la merci des représailles de leurs « maitres ».

Tout comme les collaborateurs du système esclavagistes d’hier pouvaient être eux-mêmes réduit en esclavage, ceux d’aujourd’hui peuvent être demis du pouvoir, assassinés, ruinés par ceux qui contrôlent le système.

Depuis l’esclavage et la colonisation, ce sont les mêmes qui sont à la tête des multinationales, des institutions financières et qui détiennent tous les importants leviers de pouvoir au niveau international.

Même si certains pays européens, se plaisent à nier la rentabilité de l’entreprise coloniale, arguant qu’elle constituait une lourde charge pour leurs pays, c’est bien l’esclavage et la colonisation qui leur ont fait connaitre un progrès inégalé de toute leur histoire.

Et on peut constater que la logique de l’impérialisme occidental n’a pas beaucoup changé dans sa nature.

La permanente collusion entre Etats européens et les entreprises privées, au cœur du fonctionnement de l'État capitaliste occidental, depuis les compagnies à chartes aux multinationales actuelles, afin de tirer le maximum de profits des pays colonisés, persiste toujours et fait que le fossé n’a cessé de s’agrandir entre eux.

Dans le passé, ces compagnies issues des alliances composées des institutions bancaires, commerciales, de pirates et brigands des mers étaient investies des droits de la puissance publique, autorisées à s’armer pour se protéger contre les attaques des nations rivales, conquérir des territoires, coloniser des terres, légiférer, lever l’impôt, en contrepartie de la poursuite d’objectifs d’intérêt public.


De nos jours, ces entreprises multinationales jouent un rôle majeur dans la configuration économique, sociale et culturelle de leurs pays d’origine, aussi bien dans leur capacité de création d’emplois, de production de biens et services que dans leur capacité d’investissement et d’innovation technologique ; peuvent aussi faire intervenir les armées nationales ou recourir à des armées privées, s’inscrivant ainsi dans la continuité de cette longue entreprise de rapine à l’échelle globale.

Est-ce le fruit du hasard si les pays les plus industrialisées sur le continent africain sont les colonies de peuplements occidentaux ?

Il est impératif de nous débarrasser de cette classe dirigeante dépourvue de tout esprit de conquête, ne serait-ce que celle de notre Liberté et notre Dignité ; de nous réapproprier nos institutions politiques en les dotant de fonctions et prérogatives plus compatibles avec nos aspirations, si nous voulons sortir de la domination néocoloniale.

L’Etat n’a pas à être cette institution toute puissante voire tyrannique, qui étouffe nos existences.

On ne construit pas une démocratie véritable avec des sujets à tous les niveaux ; une classe dirigeante assujettie à l’empire colonial, des populations qui se considèrent comme sujets d’un monarque dont ils acceptent la tyrannie.

Aucune pensée libre, ne vient secouer la torpeur causée par la soumission au discours dominant, les superpositions d’allégeances ethniques, confrériques, corporatistes, partisanes, tout cela motivé par d’égoïstes intérêts personnels.

La rupture reposera sur un ardent désir de Liberté et d’un sens aigu de la Justice, par l’émergence d’un leadership qui naîtra de ce combat collectif et sera capable de traduire les aspirations du peuple en un programme cohérent de libération au niveau continental.

Nous resterons vulnérables tant que nous serons divisés et isolés au sein de nos micros-Etats. Ce n’est qu’ au sein d’un cadre fédéral fort  que nous pourrons nous opposer aux forces organisées de l’impérialisme.

L’impérialisme n’est pas à confondre avec toute présence commerciale étrangère. Ce n’est pas l’obtention d’un marché de construction d’infrastructures par une entreprise d’un pays étranger qui fait de ce dernier un pays impérialiste. Les Africains ont entretenu des relations commerciales avec des peuples du monde sans que cela ne se traduise par leur conquête militaire. L’impérialisme ne signifie pas la volonté d’expansion commerciale au niveau international des entreprises de pays tiers. C’est la capacité de certains pays à combiner divers mécanismes de contraintes et sanctions, militaires, financières, juridiques entre autres, afin d’imposer leur volonté à nos pays, usurper nos souverainetés qui caractérise une politique impérialiste.

Ces pratiques suffisent à montrer la duplicité de pays dont les politiques étrangères vont à l’encontre des idéaux et valeurs démocratiques qu’ils professent. Et comble d’ironie, ils se permettent de parler avec dédain de leurs agents, attitrés les dictateurs dans leurs pays vassaux, alors qu’ils ont les mains beaucoup plus ensanglantées qu’eux.

Tout impérialisme suscite une résistance.

La domination impérialiste détruit l’âme d’un peuple qu’il condamne à la soumission, l’humiliation de l’asservissement ; le prive de tout pouvoir, de toute capacité d’exprimer pleinement ses potentialités, son génie à son profit.


Le panafricanisme en tant qu’idéologie reflétant nos expériences sociales, historiques nous parait être la réponse la mieux appropriée à l’impérialisme.

Reconquérir notre indépendance, rompre avec ce servile mimétisme intellectuel qui empêche toute audace, affirmer avec force notre présence dans le monde en renouant avec notre authenticité, en inventant un futur à la hauteur de nos aspirations à vivre en hommes libres, bâtisseurs d’une nouvelle civilisation, n’est-ce pas là des éléments de la mission qui attend les Africains : le programme panafricaniste.


Le Panafricanisme ne se réduit pas à ce concept fourre–tout, qui se présente comme un mélange hétéroclite de précurseurs historiques aux orientations diverses et souvent irréconciliables et dont le programme politique ne dépasse pas l’organisation de rencontres pendant lesquelles sont formulées des recommandations presque similaires à celles d’il y a un siècle et qui ne sont suivi d’aucun effet.

Il n’est pas une idéologie rétrograde qui veut se complaire dans le repli identitaire, les dérives fascisantes, un veule racisme, se traduisant par une haine du  « Blanc », sans pour autant s’accompagner de l’amour du « Noir » ; et qui n’est porteuse d’aucun agenda ou programme politico économique de reconquête de notre souveraineté et de lutte contre l’impérialisme.

Le panafricanisme ne saurait se réduire au consommer local, aux campagnes d’assainissements ou à donner l’image d’un dirigeant proche de son peuple ou qui « tient tête » devant les médias aux dirigeants occidentaux et qui se soumet à leur agenda loin des feux des projecteurs. Ce jeu de dupes auquel les plus loyaux de la France-Afrique ont joué depuis les indépendances.


Le Panafricanisme, bien plus que cela, est une tentative de regagner notre humanité bafouée en produisant un sens nouveau à notre existence en changeant notre destin et en changeant la face du monde.

Il s’agit de produire un capital social qui mettra l’accent sur notre sentiment d’appartenance commune à travers des comportements, des relations de confiance, des réseaux, organisations et institutions orientées vers l’action collective pour le progrès de l’Afrique et des Africains.

C’est dans la lutte que se forge la cohésion d’un groupe, d’une communauté.

Les discours seuls suffiront-ils à empêcher les autres nations de convoiter nos ressources ?

Et si on partait de l’hypothèse que les peuples qui nous ont asservis l’avaient fait à cause de nos déficiences organisationnelles, lesquelles perdurent de nos jours, que faisons-nous pour renforcer nos capacités organisationnelles ?

Depuis des décennies les Africains n’ont su mettre sur pied aucune organisation capable de porter leur agenda au niveau national et international. Les autres communautés mettent sur pied des institutions pérennes par lesquelles elles nous imposent leur agenda, nous leur opposons des noms d’individus certes héroïques, mais souvent neutralisés par les forces impérialistes, et dont l’élan suscité par leur combat s’arrête dès leur disparition.

Si toute organisation a besoin du charisme d’un leader, ce sont les principes, les idéaux, les protocoles et agendas qui font la pérennité d’une cause.

L’absence d’organisation au sein de la communauté africaine fait que ce sont des organisations étrangères qui s’occupent des prérogatives de nos Etats, conçoivent des programmes qui emploient la majorité de nos diplômés, parlent et agissent en notre nom. Pourrait-il exister  pire expression du manque de pouvoir d’un peuple, de son infantilisation, que cela ?

Parce que sans « pouvoir », nous serons à la merci de la domination de n’importe quelle communauté, incapables d’implémenter notre propre vision, d’imposer notre agenda, défendre nos intérêts ?

C’est notre capacité d’organisation qui nous permettra d’inscrire dans la durée des programmes, de mener des opérations, campagnes, construire des relations solidaires. De mobiliser les ressources humaines et matérielles afin d’accroitre notre pouvoir collectif, parce que sans pouvoir nous serons toujours sous la domination des autres nations.

C’est seulement à travers l’organisation que nous serons en mesure de reprendre l’initiative historique, de jeter les bases intellectuelles de la renaissance Africaine, en mettant en œuvre un programme politique, économique, social, culturel et écologique pour le continent.

C’est par nos capacités organisationnelles que nous saurons imposer une présence plus timide aux différentes forces présentes sur le continent.

La liberté a un prix, et si nous ne sommes pas prêts à le payer, nous risquons d’être encore pendant le siècle à venir, occupés à chercher dans les archives de l’histoire de nouveaux peuples à haïr.

Nous nous trouvons à un moment de l’histoire où nous, peuples Africains, devons aller chercher au fond de nous-mêmes, le courage de défier l’adversité en nous jetant avec toute la force de l’espoir dans l’océan de la révolution.

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Dernière publication : 16/04/2024