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Pour une Afrique Debout

Discours, idéologies et résistances (Première partie)


Conçue historiquement pour légitimer l’esclavage et la colonisation, l’idéologie raciste a inauguré une vaste entreprise de déshumanisation des peuples non-Européens et, des Africains en particulier.

C’est à travers les discours politiques, les travaux scientifiques, les œuvres romanesques, les productions artistiques et les narrations médiatiques, que la hiérarchie raciale entre les différents peuples de l’humanité a été établie, valorisant les expériences des Européens et minimisant celles des autres peuples.

Ces discours qui permettent aux groupes dominants de légitimer et perpétuer leur domination, leurs privilèges et intérêts, se traduisent par des tentatives de construction et de reconstruction de la réalité, afin de contrôler la perception que les dominés ont d’eux-mêmes et de leur condition.

Élément central de toute entreprise de manipulation, le discours est une pratique sociale1 par l’intermédiaire duquel sont acquis et reproduits les idéologies et les pratiques racistes qui maintiennent les inégalités entre les dominants et les dominés. La manipulation de l’histoire politique, économique, sociale et culturelle des Africains s’inscrit dans cette dynamique, car notre perception du passé détermine notre façon de vivre le présent et d’envisager notre avenir.

Manipulation qui consiste souvent à blâmer les victimes, en les représentant comme des sauvages, en les infantilisant et en les criminalisant.

De nombreux hommes politiques, intellectuels et certains opérateurs économiques africains prennent part à cette entreprise de reproduction de ce système d’oppression. Certains, en se faisant les exécuteurs des politiques de nos spoliateurs, participent à la vassalisation de leur peuple, d’autres en se faisant les ardents défenseurs de leur idéologie, en véhiculant des idées qui valident les discours racistes, confortant les oppresseurs dans leur arrogance.

C’est ainsi qu’il devient de plus en plus banal, parmi les Africains, de « revisiter » l’histoire de l’esclavage, en pointant la responsabilité des Africains dans leur propre génocide, et même d’en rire2. Dans le monde académique, le procédé consiste, à déplacer la lumière sur « d’anciens acteurs », dont nous ne nions point les crimes, tout en confirmant la version officielle des dominants dans ses grandes lignes. C’est dans une certaine mesure le cas, de l’ouvrage « Le génocide voilé »3, paru il y a quelques années. Présenté comme une nouveauté dans le monde dit « francophone », l’ouvrage présente dans ses grandes lignes, le même argumentaire que celui d’un autre ouvrage paru dans le monde dit « anglophone »4. Nous n’avons nullement la prétention de procéder à la critique de son livre, notre propos vise à « situer » son discours dans la topographie des narrations qui portent sur les Africains et leurs relations avec le reste du monde. C’est plutôt de la logique de son discours, à travers les séances de présentation de son ouvrage et ses différentes interventions sur des plateformes médiatiques, ses sujets de prédilection, qu’il nous parait important de discuter. Voir, comment les différents types de discours, tenus par de nombreuses autres « figures ou personnalités symboliques », peuvent affecter et participer à informer les pratiques sociales, que ce soit au niveau des différents mouvements : politiques, sociaux, mouvements des femmes, économiques, des jeunes entrepreneurs et, d’une certaine manière, participer ainsi au maintien du statu quo.  

L’auteur a réussi le pari, dans un contexte de revendication de la mémoire de l’esclavage par les Africains, de refus de toute forme de «repentance » de la part des « Occidentaux », de diabolisation de l’Islam et des musulmans, de relativiser au nom de l’objectivité scientifique, la traite atlantique. Il a voulu insister sur la « responsabilité »des Africains dans l’esclavage et montrer le caractère délibérément sanguinaire de la traite arabo–musulmane.

Cette dernière, serait celle qui, selon lui, mérite le nom de « génocide » ; celle transatlantique, parait presque une sinécure en comparaison, car les Africains étaient mieux traités, parce qu’ayant « une valeur vénale ».

Et si nous voulons bien croire au souci «d’objectivité » de l’auteur, ses déclarations lors de ses différents discours, ne laissent aucun doute sur ses positions idéologiques. Selon lui, la colonisation n’était pas qu’une série de crimes contre l’humanité, car elle avait aussi des aspects positifs. Oserait-il en dire autant de l’occupation nazie, qui a aussi profité à bien des égards, à l’économie des pays occupés ? Il affirme que la demande de réparation devrait faire la « distinction » entre « les Africains du continent », qui auraient leur « responsabilité » et ceux hors du continent. Ignore t-il, qu’en raison de l’inégalité des rapports de forces entre les différents acteurs en présence, certains « fournisseurs » d’esclaves ont été eux-mêmes réduits à l’esclavage ?

À l’image de ce qui se passe dans les différents discours dominants, la force de la charge, contraste avec la légèreté de l’argumentation.

Compter parmi les aspects positifs de la colonisation, la fin de l’esclavage arabo-musulmane et, invoquer le fait qu’un colonel français aurait même crée des «villages de liberté»5, dans un pays qu’il occupait, ne fait vraiment pas très sérieux. Peut-on, en toute objectivité, comparer le processus de déshumanisation des Africains par les Arabes et l’islam, incarné d’un coté par « Ibn Khaldun », qui aurait une grande « influence dans le monde musulman »,6 et de l’autre, la gigantesque machine de déshumanisation et d’humiliation amorcée avec les auteurs des lumières, les scientifiques, les zoos humains, entre autres, qui d’ailleurs, continue toujours de nos jours ? Est-ce vraiment sérieux, de comparer le « racisme », ou les actes xénophobes, des gens « ordinaires », avec les bavures, très souvent mortelles, les tortures et humiliations, provenant d’agents formés par les institutions d’États démocratiques et « civilisés », qui sont l’expression d’un racisme institutionnalisé, (qui tolère celui d’individus ordinaires, et des « groupuscules », souvent constitués de milices paramilitaires) ? Ce racisme qui affecte systématiquement les peuples non-Européens, qui continuent d’être décimés par des guerres par procuration, l’exploitation et la pauvreté. 

Si l’absence de survivants de la traite arabo-musulmane, attribuée à la castration massive, est une « preuve d’intention de génocide », doit-on en déduire donc que la présence de survivants Indiens est la preuve qu’il n’y a pas eu d’intention de génocide à leur égard ?
 
Pourquoi organiser de grandes caravanes pour aller exterminer en Orient des Africains, que l’on pouvait à moindre frais exterminer sur place ?
 
Où est la vérité historique si l’on ne s’en tient qu’aux faits, ignorant le contexte, les contraintes, les pressions et manipulations, qui, hier comme aujourd’hui, peuvent acculer des dirigeants, ou les populations à des positions extrêmes ?
 
Si l’étalage d’énormes « estimations » chiffrées, peut impressionner certains, il faut rappeler que leur fiabilité repose principalement au crédit accordé aux éminences du monde académique occidental, qui n’ont cessé de revoir à la baisse les victimes de la traite atlantique.
Ces discours, par la façon dont la question de l’esclavage est abordée, cherchent d’une part, à évacuer sa véritable dimension socio-économique et, d’autre part, visent à semer la confusion dans l’esprit des Africains en faisant croire en la neutralité absolue de « l’Histoire », occultant les conséquences politiques des conclusions que l’on peut tirer de cette « vérité historique ». Ils veulent faire croire que l’on peut étudier l’histoire pour rétablir la « vérité des faits », sans réfléchir sur la façon dont ces faits, souvent politiquement construits, peuvent influer sur le projet de transformation de nos existences et la construction de notre futur.
 
L’esclavage n’est pas un « fait divers historique », loin dans le passé et, il n’est pas non plus, un prétexte pour accuser les uns d’incarner le mal absolu, ni d’absoudre les autres, en leur faisant endosser le manteau de la sainteté.
L’esclavage est avant tout une relation de domination qui s’inscrit dans un processus global d’asservissement des Africains, toujours en œuvre aujourd’hui, et dont la traite atlantique était un aspect des plus saillants et des plus dramatiques. L’évocation de cette sombre page de notre histoire, est un moyen de comprendre notre condition présente. L’enjeu pour nous, Africains, n’est pas de savoir si l’esclavage est un mal ou pas ; il est de comprendre les mécanismes et dynamiques socio-historiques, qui structurent notre domination actuelle.
 
Que le mal soit universel, les hommes n’ont pas attendu les historiens contemporains pour le savoir.
 
Les peuples que l’on considère comme « non- civilisés », savent depuis des siècles, que le « meurtre arbitraire d’un seul homme, équivaut au meurtre de l’humanité toute entière ».
 
C’est dire donc que selon cette perspective, de nombreux génocides, légalisés par des institutions respectées, souvent qualifiés de dommages collatéraux, se déroulent de nos jours au nom d’intérêts économiques et géostratégiques. Ils constituent apparemment un sujet tabou pour certaines bonnes consciences.
Il est difficile de ne pas « entendre », derrière ce type de discours, comme un chuchotement, les préjugés occidentaux sur l’« Arabe » qui aurait « mauvais fond », et « l’Africain » sans aucun sens moral ; de même que cette naïveté qui consiste à croire, que ces propos qui confortent l’opinion des oppresseurs, auraient plus de valeur quand c’est « un des leurs qui le dit ». C’est faire preuve d’une véritable étroitesse d’esprit, que de penser que l’évocation de l’esclavage, vise à attribuer le mal aux seuls blancs, tout autant que de croire qu’un Africain puisse parler pour tous les Africains. Pour quelle raison, le spectre idéologique des Occidentaux, pourrait-il s’étendre de l’extrême droite à l’extrême gauche, et celle des Africains se limiter à ceux dont la parole parvient à nos oreilles ? 

Nous n’avons nullement l’intention de nier l’atrocité de la traite arabe, ni d’absoudre les arabo-musulmans de leurs crimes et mauvais traitements infligés aux Africains hier comme aujourd’hui. Mais, dresser la liste de tous ceux qui ont asservi les Africains, ne nous donne pas les moyens de nous libérer de notre condition actuelle. Cela ne suffira pas à nous protéger des mauvais traitements de la part de n’importe quelle autre communauté. La question n’est pas d’identifier de nouveaux ennemis, mais de savoir faire face à toutes sortes d’ennemis. La traite atlantique est celle qui devrait nous intéresser, parce qu’elle est à l’origine des structures de pouvoirs politiques et économiques qui nous maintiennent dans la servitude.
La traite arabo-musulmane a beau avoir duré longtemps, c’est le lourd impact de la traite atlantique et de la colonisation, qui a, en peu de temps, consacré l’affaissement général du continent.
 
Il n’existe pas de bases militaires arabes sur le continent. Nos ressources ne sont pas pillées par des multinationales arabes. Les leviers de nos économies ne sont pas entre leurs mains.
Les Africains devraient-ils, sous prétexte que les Arabes ont vendus des Africains, accepter les bras baissés, la domination occidentale actuelle ? Pendant l’occupation nazie, les résistants ont-ils baissé les bras sous prétexte que certains Français collaboraient avec les occupants ? Ont-ils renvoyés les agresseurs et les agressés dos à dos, en se disant que de toute façon le mal existe partout ?
 
Si la traite atlantique n’a été possible que grâce à la collaboration « des Africains », peut-on donc imaginer que sans celle -ci, les Européens auraient alors rendu leurs terres aux Indiens, rendus leurs capitaux aux différents investisseurs, et seraient retournés chez eux ? Pourquoi ne voyons-nous pas en Afrique l’équivalent de l’écosystème économique mis en place en Europe pendant la traite des noirs ?
 
Où sont les richesses accumulées par les collaborateurs Africains de cette traite ? Nous ne voyons aucune survivance des banques, compagnies d’assurances, flottes de navires et entreprises qui vivaient de cette économie, et ont participé à asseoir la domination économique de l’Occident et qui jusqu’à nos jours, participent à faire durer cet héritage, qui continue de servir les uns mais de desservir et d’asservir les autres.7
 
La participation de certains groupes à l’oppression de leur propre peuple, semble être la chose la mieux partagée au monde. Le nazisme aurait-il été possible sans la collaboration de ceux qui en étaient victimes ? Des dirigeants, hommes d’affaires, autorités religieuses et simples citoyens, de ceux qui étaient motivés par la cupidité, la peur, ou autres sentiments et intérêts politiques.
 
Qu’il y ait eu des Africains qui ont collaboré à l’esclavage, change t-il la nature du système ? En quoi serait-il pertinent, d’évoquer la participation des noirs au sein de l’appareil de répression policière durant l’apartheid, comme si leur absence y aurait changé la nature ?
 
Tous les groupes opprimés semblent bénéficier de la présomption d’innocence à l’exception des Africains : les prolétaires, les femmes, les juifs, les homosexuels. Même si les Africains sont loin d’être des saints, leurs imperfections individuelles devraient-elles justifier leur asservissement collectif ? Est ce que vivre des fruits de l’oppression des autres serait un signe de haute moralité ?
 
Peut-on parler de « responsabilité » d’un peuple parce qu’il y a eu complicité de certains de ses membres à l’oppression, en ignorant ceux qui y ont résisté? Poussée jusqu’au bout, la logique de ce raisonnement, ne devrait-il pas inciter à parler aussi de la « responsabilité » des descendants de déportés Africains, qui, dans leurs pays de résidence, votent pour des candidats, servent dans des administrations et forces armées qui déstabilisent leurs frères du continent ? Celle des Africains qui travaillent pour des institutions et organisations qui participent au pillage et à l’exploitation des ressources de l’Afrique et aux nombreux conflits qui secouent le continent ? Et pourquoi pas, non plus, de tous ceux qui se taisent sur les injustices ?
 
Quand l’histoire de certaines communautés est, presque sacralisée, les expériences des Africains peuvent quant à elles, être niées ou révisées sans aucune crainte. Les Africains sont accusés, de romantiser leur passé, quand ils donnent leur version de leur histoire, et soupçonnés de verser dans la paranoïa, quand ils évoquent le racisme dont ils sont victimes. Cette arrogante attitude qui consiste à catégoriser les comportements des autres, semble d’autant plus ridicule, qu’elle vient de ceux qui présentent tous les signes de la mégalomanie.
 
La traite atlantique est celle qui est dans notre mémoire récente, sa douleur est encore toute vivace chez de nombreux descendants, car ils en subissent les conséquences. C’est faire preuve d’inculture, que de se permettre de juger d’une souffrance, qui ne peut être mesurée. Quand on a traité des humains d’une façon aussi bestiale8, privé des millions d’individus : leur identité, leur langue, leur nom, leur culture et leur histoire, éléments fondamentaux qui permettent de résister aux traumatismes de la vie, la décence voudrait que l’on respecte au moins, la mémoire des victimes et de leurs descendants.
 
Surtout qu’aujourd’hui encore, les descendants de ce même peuple, sont massivement discriminés, emprisonnés, assassinés hors du continent et, que ceux vivant sur le continent, souffrent encore de razzias et de génocides, sous le couvert des forces des Nations Unies.
 
Il est des discours qui éclairent sur la véritable posture de ceux qui les tiennent.
 
Relativiser le crime commis contre des groupes humains c’est manquer de respect à leur humanité. C’est faire preuve de peu d’intelligence que d’appeler à la « responsabilité » quand on se refuse à prendre les siennes. Car c’est refuser de prendre ses responsabilités que de se défendre de ne pas avoir été les seuls à commettre ce genre de crime ?
 
De simples prétentions de scientificité, ne suffisent pas à nous faire renoncer à notre discernement.9

L’Histoire de l’humanité « n’appartient » pas aux historiens, elle est à tous les hommes qui se l’approprient par la pensée et par les actes. Nous n’avons pas à abdiquer notre sens critique devant des prétentions de scientificité. Aucun historien, aucune histoire ne peut reconstruire de façon complète, les faits du passé. On ne peut pas connaître le passé dans sa totalité. On ne dispose que de bribes éparses, de la grande aventure humaine. Nous avons du mal à comprendre les intrigues de notre histoire actuelle, à plus forte raison celles du passé. La façon de raconter l’histoire, aussi « scientifique » qu’elle puisse être, n’est pas le « Passé », mais un discours sur le passé. Chacun va chercher dans le passé ce qui peut servir ses objectifs, ses intérêts politiques ou économiques. N’est-ce pas auprès des mêmes sources que nous accusons de nous mentir sur notre passé, que nous allons chercher les vérités qui confortent certaines de nos positions ? Aller dans le passé à la recherche des « faits historiques », sans aucun projet de transformation de notre condition, c’est courir le risque de voir l’histoire se répéter à notre détriment. Quand les autres peuples cherchent à tirer les leçons du passé, les Africains, eux, semblent aveuglés par le leur.
 
A propos d’un prétendu tabou des « élites noires sur la question », l’auteur ne précise pas de qui il s’agit exactement. S’agit-il des chefs d’États Africains sous tutelle occidentale et, dont la majorité est loin d’être de confession musulmane ? S’agit-il des intellectuels ? Si oui, s’agit-il de ceux qui s’expriment dans les langues européennes, ceux qui s’expriment en arabe, ou dans les langues africaines ? Le « monde arabo-musulman », serait il devenu assez puissant pour se permettre de museler des voix hostiles ? D’ailleurs, les intellectuels Africains sont-ils  écoutés dans le monde ?
 
Les Africains ont généralement l’impression que leurs « intellectuels » sont muets, qu’ils semblent plus soucieux de se faire reconnaître auprès des autorités académiques occidentales, que par leur condition. Du reste, combien d’historiens africains francophones ont écrit sur l’esclavage ?
 
Curieux surtout, est le silence de nos « intellectuels » devant la continuité de l’exploitation et des injustices que subissent les Africains. Situation sur laquelle ils demeurent silencieux et surtout passifs. Pensent-ils vraiment, que le contrôle des leviers de nos économies par des capitaux étrangers, la dépossession des Africains de leur terres et de leurs ressources, n’a rien à voir avec leur pauvreté endémique. Pensent ils, qu’il est normal que des troupes militaires étrangères stationnent dans nos pays, sous le prétexte de protéger leurs ressortissants ? De quoi ? Et de qui ? Chaque pays européen ne devrait-il pas agir de même ? Ou est ce qu’un seul pays européen suffit pour protéger les autres ressortissants ? Devrions-nous envoyer nos troupes pour protéger nos ressortissants qui sont victimes de bavures et d’agressions ?
 
S’il est possible de présumer que les intellectuels Africains aient pu se taire par solidarité sur la traite arabo-musulmane, ne peut-on pas tout aussi bien présumer que la même solidarité puisse faire « parler » certains intellectuels Africains pour alléger la conscience des Occidentaux ?
 
Les différent discours et intérêts de l’auteur, semble s’inscrire dans une logique de maintien du statu quo. N’est-ce pas une façon de suggérer que nous devrions arrêter de nous « plaindre », d’exprimer plutôt notre reconnaissance d’avoir de si bons « maîtres », au lieu de montrer notre ingratitude, en voulant flirter avec les « sournois » Chinois ?10
 
Ces types de discours semblent exprimer dans la bouche d’un Africain, le désir de ceux qui profitent de l’exploitation de notre continent, « d’en finir avec l’esclavage et la colonisation ».
 
Les Africains ne se plaignent point, ils parlent de leur passé. Un passé qui n’a pas fini d’être évoqué, car il n’est même pas proprement enseigné dans nos établissements scolaires, ni largement discuté au sein de nos pays.
 
« Penser » notre passé, est la condition de notre inéluctable libération.
 
Le caractère pernicieux de ces discours, préoccupés par la seule « vérité historique », est qu’ils ont pour principales implications, de diviser les Africains victimes de l’oppression capitaliste sur la base de leur appartenance religieuse et ethnique, sur le continent et, des Africains avec leurs frères de la diaspora.
 
Ils servent à vulnérabiliser davantage les Africains en les montant les uns contre les autres et, en nous faisant adopter au final les même ennemis que nos oppresseurs du moment.

Sidya Diop

Notes_______________________________________________________________________________________________________________

1     Teun A. van Dijk - Discourse and Racism
17th International Workshop on Discourse Studies, Madrid, 24-25 March 2011
P 9 à 10 version électronique
www.discourses.org
http://www.discourses.org/UnpublishedArticles/Discourse%20and%20Racism.pdf

Citation originale

“Thus, first of all, racism was defined as a social system of ethnic domination, that is, as a form of power abuse of dominant European groups, not only in Europe and North America, but also elsewhere. This system has to major dimension, namely a sociocognitive system of socially shared ethnic prejudices and ideologies, on the one hand, and a system of discrimination or “everyday racism” in interaction and its political and organizational embedding, on the other hand. Secondly, discourse is the crucial interface of these two subsystems. On the one hand, dominant group members “learn” racist prejudices and ideologies through various forms of public discourse, especially through political and media discourse. On the otherhand, discourse is itself a social practice and hence constitutes part of the discrimination and everyday racism that defines the social manifestation of the system of racism. In other words, racism as a system of domination is daily reproduced by racist practices, including by text and talk, based on the underlying prejudices and ideologies shared by white Europeans. Given the control by the symbolic elites of public discourse, our sociology of racism specifically focuses on the role of these elites in the pre-formulation and legitimation of racism in society, thus spawning popular racism exacerbated by unemployment, crime and problems of urban decay and ethnic relations in poor neighborhoods. In this way, the symbolic elites were able to deny their own sometimes subtle racism and to blame it on the people, thus legitimating their own policies, e.g., of immigration restrictions and negative media coverage of minorities and immigrants.

Traduction

Ainsi, tout d'abord, le racisme a été définie comme un système social de domination ethnique, c'est, comme une forme d’oppression par  les groupes européens, en position de domination  non seulement en Europe et en Amérique du Nord, mais aussi ailleurs.
Ce système comporte deux dimensions majeures, à savoir, un système sociocognitif constitué par les préjugés ethniques et les idéologies socialement partagées, d'une part, et un système de discrimination ou de "racisme quotidien", enraciné dans la structure politique et administrative, d'autre part. Deuxièmement, le discours est l'interface essentielle de ces deux sous-systèmes.
D'une part, les membres du groupe dominant « apprennent » les préjugés et aux idéologies racistes à travers les diverses différentes formes du discours public, en particulier par le discours politique et médiatique.
D'autre part, le discours est lui-même une pratique sociale et fait partie intégrante, du racisme et de la discrimination au quotidien, qui est la manifestation sociale du racisme institutionnel. En d'autres termes, le racisme, comme système de domination est reproduit quotidiennement par les pratiques racistes, y compris par le texte et le discours, sur la base des préjugés sous-jacents et des idéologies partagées par les Européens blancs.

Étant donné le contrôle par l'élite, sur le discours public symbolique, notre sociologie du racisme se focalise particulièrement sur le rôle de ces élites dans la mise en œuvre et la légitimation du racisme dans la société, excitant le racisme populaire aggravé par le chômage, la criminalité et les problèmes de décomposition du milieu  urbain et des relations ethniques dans les quartiers pauvres. De cette façon, les élites symboliques peuvent cacher nier leur propre racisme souvent subtil, en l’attribuant au peuple, légitimant ainsi  leurs propres politiques, par exemple, les politiques migratoires restrictives et la couverture médiatique négative des minorités et des immigrants.

2     Henry Louis Gates, Ending the slavery blame-game New York Times
http://www.nytimes.com/2010/04/23/opinion/23gates.html?mcubz=1

Olivier Pétré-Grenouilleau,
Film français « Case départ »

3     Tidiane Ndiaye, Le génocide voilé : enquête historique, Editions: Gallimard 2008
https://www.youtube.com/watch?v=D15KSmRNBfo

4     John Allembillah Azumah, The Legacy of Arab-Islam in Africa : A Quest for Inter-Religious Dialogue, Ed: Oneworld Publications 2001.

5    Villages mis sur pied pour mieux asseoir la colonisation française et arracher les esclaves domestiques pour accroitre la  main-d'œuvre destinée aux travaux forcés.

Il faut noter au passage, que les « razzias permanentes », et la longue durée de la traite arabo-musulmane n’ont pas empêché la floraison de puissants royaumes, ni empêché l’économie africaine d’être pratiquement au même niveau que le reste du monde, au 15 siècle d’après certains. Et d’ailleurs, le souci d’objectivité de l’auteur devrait le pousser à montrer aussi que le contact entre le monde arabo-musulman et l’Afrique ne se résume pas à des « razzias permanentes ». Elle a donné naissance à une nouvelle effervescence intellectuelle et produit des penseurs de haute stature, dont les œuvres méritent d’être davantage étudiés.

6    Influence apparemment plus grande que le livre sacré et les enseignements de leur prophète, c’est ce qui explique peut être leurs odieux comportements. N’ont-ils pas tout simplement violé leurs principes, à l’instar des chrétiens esclavagistes, des bouddhistes qui massacrent les « Rohingyas », des humanistes et démocrates qui imposent leurs idéaux par la violence.

7        Le cas du procès du navire Zong qui opposa les propriétaires du navire à une compagnie d’assurance, montre la faiblesse de l’argumentation qui prétend, que la traite atlantique le caractère vénal attribué à ses hommes ce qui est déjà les protégeait des mauvais traitements. Alors qu’il était courant de massacrer des esclaves pour toucher l’argent de l’assurance au lieu de les laisser mourir de mort naturelle.

Ce procès montre en même temps que l’organisation de l’esclavage, ne souffre pas la comparaison avec ce qui se passait en Afrique. Nous ne voyons aucune trace des banques, compagnies d’assurances, flotte de navires, ainsi que les différentes entreprises qui vivaient de cette traite et, ont participé à asseoir la domination économique de l’occident jusqu’à nos jours.

8     Les conditions inhumaines de traitement, les massacres pour toucher l’argent d’assurance les « fermes » où on élevait des esclaves comme du bétail, où on organisait leur accouplement, parfois incestueux, sous le regard de gens « civilisés », comme ceux qui assistaient en famille au lynchage de ces hommes arrachés à leur continent, faisaient ils peut-être partie des notices d’utilisation fournis par leurs complices Africains.

9   Si nous convenons de la nécessité de l’objectivité académique dans nos différentes tentatives de compréhension du monde, ce qui d’ailleurs n’est pas une invention récente, il n’en demeure pas moins vrai, que le savoir doit être utile ; Pour nous Africains ,il devrait nous permettre d’amorcer les changements nécessaires dans nos sociétés profondément ébranlées par des siècles d’exploitations et de violences.

10     Tidiane Ndiaye, « La percée sournoise de la Chine en Afrique ».

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Dernière publication : 16/04/2024